La demande

Dimanche 6 août 1454 à 20h30

Tandis que la leçon se terminait et que la cavalière montait pour rejoindre sa chambrée, Alynerion laissa passer quelques secondes, puis prenant son courage à deux mains, il s'élança de son fauteuil et rejoignit Freyelda dans l'escalier. La demoiselle resta surprise, ne s'attendant sûrement pas à cela. Le lieutenant attrapa la belle tavernière dans ses bras et lui murmura:

Faites-moi confiance.

Le maître des lieux prit ensuite un couloir, puis un autre, et enfin ils arrivèrent dans les jardins du domaine. Il ne l'a posa qu'au bord du grand bassin. L'air était doux, il faisait légèrement frais, le ciel était dégagé on voyait quelques étoiles, l'orage ne serait pas pour cette nuit encore, et une lune se refletait dans l'eau, illuminant le pourtour du bassin.



Ma chère, il y a trop longtemps que je garde ce terrible secret en moi. Mille fois j'ai failli vous le dire mais je n'ai jamais, jusqu'alors, trouvé les mots et le courage nécessaires.
Nous nous connaissons depuis plusieurs mois maintenant, et depuis les premiers instants, je suis tombé sous votre charme. Votre beauté, votre intelligence, votre gentillesse, votre esprit ont touché mon coeur, et depuis je ne cesse de vous aimer. Vous voir le matin rempli mon coeur de bonheur et même si vous raccompagner le soir est un grand plaisir, c'est un supplice que de vous laisser seule et d'être privé le temps d'une nuit de votre présence. *pause pour prendre une grosse bouffée d'air et mettant un genou à terre* Je me sens tellement bien et heureux quand je suis avec vous, qu'aujourd'hui je vous le demande: voulez-vous partager ma vie en acceptant de devenir ma femme ?

Freyelda demeura interdite, sous le coup de la surprise. Elle était persuadée que son coeur s'était arrêté de battre l'espace d'un instant. Elle avait pourtant secrètement rêvé de ce moment des dizaines peut-être même des centaines de fois mais la réalité, bien qu'elle doutât quelques instants que tout ceci fût bien réel, dépassait grandement tout ce qu'elle avait pu imaginé.

Elle ouvrit la bouche et tenta d'articuler quelque chose mais en voyant l'air inquiet d'Alynerion qui fronçait les sourcils, elle comprit qu'aucun son n'était parvenu à sortir. Elle ferma alors les yeux, respira profondément pour essayer de calmer les battements de son coeur qui semblait vouloir sortir de sa poitrine. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle adressa à son ami, toujours à genoux un sourrire joyeux et serein à la fois.

Oui... Bien sûr que j'accepte ! *large sourire* Et je ne trouve pas les mots pour vous dire avec quelle joie j'accepte... Voilà bien longtemps que mon coeur et mon âme vous appartiennent...

Il faisait un temps radieux, aussi Freyelda avait-elle décidé de commencer ses recherches pour retrouver son tendre fiancé. Et son inspiration fut heureuse car elle le trouva sur la terasse, en train de travailler et de lire quelques parchemins officiels, comme toujours.

Mais lorsqu'il la vit arriver, il abandonna ses lectures pour venir vers elle; un grand sourire aux lèvres. En le voyant si beau dans le soleil du matin, Freyelda ne put résister et courut se jeter à son cou pour l'embrasser passionnément.

Quel bonheur d'être là, avec vous ! Vous voir dès le matin, pratiquement au réveil, n'y a-t-il pas plus belle façon de commencer la journée ?

Elle fit une petite pause puis poursuivit en regardant son bien aimé dans les yeux, l'air un peu inquiet.

Me jurez-vous que tout ceci n'est pas un rêve ?

Les deux amoureux avaient passé la journée et la soirée dehors, profitant du beau temps du moment. Ils étaient heureux et profitèrent bien de ces trop rares instants ensemble.

Le lendemain, Freyelda se réveilla, encore seule dans le château de Fontager, mais constata avec stupeur que la décoration avait quelque peu changé pendant la nuit. En effet les salles étaient toutes remplies de fleurs en tout genre, certaines même étaient exotiques sans doute rapportées de Provence. La demoiselle se rendit ensuite dans les jardins pour profiter du magnifique soleil, avant de se rendre à Vienne pour remplir ses occupations habituelles.

A son retour, dans la soirée, elle trouva une table tirée sur la terrasse avec des bougies et de la porcelaine de Limoges semblait-il. Apercevant la chambellan en train de l'attendre patiemment, elle lui demanda

Que se passe-t-il ici ? Y aurait-il une reception ce soir que j'aurais oublié ?

Alynerion ne put s'empêcher de sourire à sa fiancée et lui répondit:

Effectivement il y a une réception ce soir... en votre honneur même. Cela fait aujourd'hui un an que vous êtes parmi nous dans notre belle ville de Vienne.

Freyelda écarquilla les yeux et mit ses deux mains devant sa bouche, comme pour étouffer un cri de surprise.
Une fois remise de sa première émotion, elle adressa à son bien aimé un grand sourire, tout en essayant de retenir une larme de joie qui roula discrètement sur sa joue. Voilà maintenant un an qu'elle était là, il s'en souvenait, sans qu'elle ait eu besoin de lui dire. Ainsi donc, toutes ces fleurs, toutes cette mise en scène lui étaient destinées.

Oh mais vous êtes fou... vous n'auriez pas dû...

Elle s'approcha doucement d'Alynerion, passa ses bras autour de lui et le serra autant que ses maigres forces lui permirent.

Ces jardins commencent à avoir un gout de paradis pour moi dit-elle en riant.

Mais savez-vous que je me dis parfois que je ne vous mérite pas. Vous me traitez comme une princesse, vous ne devriez pas. J'ai l'impression de vivre un rêve éveillé. Vous me rendez tellement heureuse, je vous aime tant...

Elle embrassa alors tendrement son beau fiancé avant de le prendre par la main et de l'entraîner vers la table.

Bien, il nous faut à présent faire honneur à cette somptueuse table. Nous allons pouvoir discuter tranquillement... Alors, quel effet cela vous fait-il d'être baptisé ?

Alynerion était très heureux de voir le bonheur brillé dans les yeux de la femme qu'il aimait tant.

J'avoue que je suis très heureux, beaucoup plus apaisé maintenant. Il est vrai que j'ai toujours été très croyant, je me demande pourquoi j'ai tant attendu pour franchir le pas. Désormais mon anoblissement prend donc toute sa valeur, et nous pouvons nous marier légitimement surtout.

A ce propos, je pensais qu'il serait temps de fixer une date, du moins une période. Noël me semble être bien, qu'en pensez-vous ?

Alynerion avait raison, comme toujours. Elle était noble et lui était baptisé : désormais plus rien ne pouvait les empêcher de se marier. Cette pensée la réjouissait profondément mais tout ceci l'effayait encore un petit peu. Elle resta pensive un moment puis répondit en souriant à son beau fiancé:

Oui, Noël, cela me semble parfait. C'est une période propice aux fêtes et aux réjouisances. Sans compter que cela laissera le temps à notre pauvre curé de se préparer. J'ai cru comprendre qu'il avait quelques cérémonies de retard. Ne le pressons donc pas plus. *rires*

Alors voilà qui est dit ! Nous nous marierons à Noël. Il nous reste encore bien des détails à régler mais j'imagine que nous avons le temps encore pour ça. En attendant, trinquons. Puisse le temps passer plus vite jusqu'à Noël...