Balade printanière

Pas très fière de son escapade à Lyon, Freyelda était depuis sagement restée à Maubec depuis. Ainsi, elle avait bonne conscience : elle prenait soin de sa santé et surtout, elle avait une bonne excuse pour passer tout son temps ou presque avec sa fille.

Il faisait beau cette après midi là. La jeune maman avait décidé de prendre un peu l'air. Elle avait demandé à Gilles de l'aider à installer une couverture dans les jardins, à côté des lilas déjà en fleur et ainsi qu'à transporter jusque là le couffin de la petite Aliénor. Celle-ci emmitouflée dans sa couverture pouvait affronter l'air extérieur sans risquer de prendre froid ; Freyelda faisait bien plus attention encore à la santé de sa fille qu'à la sienne.

La mère et la fille étaient confortablement installées, profitant de la douce chaleur du mois de mai et des mille odeurs qui émanaient des fleurs des jardin. Freyelda parlait à sa fille, de tout et de rien, de Vienne, d'Aristote un peu, de son père beaucoup. La petite semblait écouter avec attention, ses grands yeux maintenant d'un bleu profond ouverts sur le monde.

Peut-être viendra-t-il nous retrouver lorsqu'il sera rentré ? dit la baronne en caressant doucement la joue d'Aliénor.

L'enfant se mit à bailler, elle semblait avoir sommeil. Freyelda s'éclaircit alors un peu la voix puis se mit à chanter une berceuse à sa fille, dans une langue un peu étrange, mais donc les douces sonortités apaisaient l'enfant qui s'endormit en souriant.

Le Baron était rentré plus tôt pour faire une surprise aux deux femmes de sa vie, quand on l'informa qu'elles avaient quitté la chambre pour se rendre dans les jardins afin de savourer la douceur du printemps nouvellement arrivé. Il courru alors à travers les labyrinthes et autres petites cours avant d'enfin les retrouver. La petite Aliénor dormait paisiblement tel un ange, bercée par le doux son de la voix de sa mère. Prenant soin de rester discret afin de perturber son sommeil, Alynerion embrassa la princesse de son coeur, puis lui expliqua ce qui le rendait si joyeux.

Mon aimée, j'ai une grande nouvelle à vous annoncer. J'ai reçu il y a de cela une heure, une missive de Dame Morgwen, en provenance de Paris. Nous sommes en règle vis-à-vis de la hérauderie désormais.

Voyant Freyelda faire de grands yeux, il essaya d'être plus clair.

Cela signifie qu'Aliénor est bien reconnue par les institutions. Elle est considérée comme notre fille aînée et héritière, de façon officielle. Elle a donc droit de porter nos armes, notre nom, et nos titres.

La joie se dessina immédiatement sur le visage de la baronne.

Attendez ce n'est pas fini. Nous devenons également une famille noble, ce qui veut dire que mon nom s'enrichie d'une particule, c'est-à-dire Alynerion d'Avencourt, et que j'ai le droit de porter les armes familiales que voici...

Le Baron sortit alors, avec excitation, un parchemin avec le blason suivant dessiné dessus :


Voici nos nouvelles armes familiales dorénavant. Elles peuvent, et même doivent être portées avec les blasons de nos fiefs actuels.
Alors qu'en dîtes-vous ?

A la fin de sa chanson, Freyelda rouvrit les yeux : Aliénor dormait profondément. Un autre ange, son ange gardien cette fois, semblait être tombé du ciel. Son bel époux était là, à ses côtés : il arborait un sourire radieux dont elle soupçonna que leur fille et elle n'étaient pas les seules raisons. Elle découvrit bientôt ce qui rendait le baron d'humeur si joyeuse.

"Cela signifie qu'Aliénor est bien reconnue par les institutions. Elle est considérée comme notre fille aînée et héritière, de façon officielle..."

La phrase résonna dans la tête de Freyelda. Quel soulagement ! Avoir frôlé la mort de si près l'avait faite devenir soucieuse pour l'avenir. Plus consciente que jamais qu'Alynerion et elle-même n'étaient que de simples mortels, elle était angoissée à l'idée que sa fille puisse se retrouver dépossédée, privée de tout si jamais ils venaient à disparaître. Ses craintes étaient maintenant en partie appaisées.

Mais il n'y a pas que les mauvaises nouvelles qui n'arrivent jamais seules et Alynerion lui réservait une surprise. Un nom bien à eux, enfin reconnu et des armoiries, splendides.

Par tous les saints ! Quel est donc ce blason ? Il est magnifique ! Je n'arrive pas à croire qu'il puisse nous revenir. Ce que j'en dis, c'est que je l'adore !

Freyelda se sentait bien dans ce jardin, blottie dans les bras de son époux. Tous deux contemplaient leur fille.

Nous avons bien travaillé, dit elle en riant.

Le baron et la baronne s'allongèrent sur la couverture et contemplèrent le ciel, profitant du chant des oiseaux. La jeune maman se sentait parfaitement bien ; il n'y avait là rien d'autre que les deux êtres qu'elle aimait le plus au monde, auxquels elle tenait bien plus que sa propre vie. Elle savourait son bonheur, niché au coeur d'un labyrinthe végétal, protégé par le vert cocon que leur offrait Dame Nature.

Je suis heureuse, dit elle. Lorsque je regarde autour de moi, je suis heureuse. J'ai tout ce dont je n'avais jamais osé rêver et pour cela, je ne vous remercierai jamais assez, ni vous, ni Aristote.

Elle se redressa sur ses coudes et se retourna de manière à pouvoir contempler le visage de son cher et tendre.

Ce sont vraiment d'excellentes nouvelles que vous nous apportez là vous savez. C'est très important pour moi. Longtemps je me suis questionnée sur mes origines. Non pas que j'aie été malheureuse au convent, loin de là. Mais ces questions sans réponse m'ont longtemps hantée. Je me suis résignée maintenant, je sais que je ne saurai probablement jamais d'où je viens mais mes descendants eux sauront d'où ils viennent et cela me rassure. Je suis tellement heureuse de pouvoir offrir à notre fille et... *détourne furtivement le regard, le teint légèrement rosé* à nos enfants... s'il plait au Très-Haut de nous en donner d'autres ce que moi je n'ai pas eu : l'amour d'une mère, celui tout aussi nécessaire d'un père. Une véritable famille et le nom qui la symbolise. Et aujourd'hui vous m'annoncez que tout ceci est on ne peut plus officiel, reconnu de tous.

Elle se tut quelques instants et adressa un franc sourire plein de joie à Alynerion, plongeant son regard dans le sien.

Merci, dit-elle simplement.

Elle tendit la tête pour déposer un baiser sur le front de son aimé avant de l'embrasser tendrement.

Alynerion était heureus de voir sa princesse aussi comblée et détendue. Il n'avait pas fais quelque chose d'exceptionnel, c'était la procédure normale dans les familles nobles afin de préserver les lignages, toutefois il est vrai qu'il était rassurant de savoir que s'il venait à arriver quelque chose aux parents, la petite aurait un avenir assuré et ne manquerait de rien.

Vous n'avez pas à vous en faire, tout est réglé dans les moindres détails... enfin si ce n'est qu'il manque encore l'acte de baptème de notre petite ange, mais Mel étant indisponible, rien n'est urgent. Il est vrai que garder une enfant noble non baptisée, surtout après les épreuves que nous avons subi, est assez génant, il ne faudra donc pas tarder de trop.
En tout cas, soyez rassurer la demoiselle Aliénor d'Avencourt est bien notre fille et héritière, c'es acquis. Elle connaitra ses parents et elle sera aimée comme il se doit.

Le Baron profita alors de ses heures de bonheur et de simplicité dans les jardins, sa tendre éposue dans ses bras et leur trésor qui remuait légèrement dans son berceau. C'était cela le bonheur.