Une arrivée... surprenante

Le garçon resta au milieu de sa garde et laissa son lieutenant se charger de l'annoncer, le voyage l'avait énormément fatigué et il n'avait qu'une hâte : rentrer se reposer dans sa chambre, dans un lit confortable et non plus sur la planche de bois de la forteresse de Ryes. Le chevalier Guilhem lui avait permis de rentrer chez lui et il comptait bien profiter de ce répit pour se ressourcer près des siens.

Jehan en tête de cortège s'approcha alors du garde et sa mine angoissée. Lui aussi était fatigué par un si long et éprouvant voyage mais au visage du portier, il prit sur lui de rassurer l'homme sur leurs intentions pacifiques.

Bonjour mon ami, fais place je te prie, nous ramenons le Vicomte de Maubec en ces terres pour y prendre repos. La route depuis Ryes est longue et épuisante, il a grand besoin de récupérer, tu le comprendras aisément.

Commençant à faire signe aux autres cavaliers de le suivre, il fut surpris de voir le garde s'interposer, l'arme au poing, suivi par la petite garnison du chateau derrière la herse, arcs bandés et lance en direction des arrivants.

Un homme se détacha du cortège de cavaliers en direction du garde. Il était plutôt grand, robuste, la barbe noire et épaisse, une épée à la ceinture, il était inconnu par ici tout comme le reste des hommes à sa suite.

Bonjour mon ami, fais place je te prie, nous ramenons le Vicomte de Maubec en ces terres pour y prendre repos. La route depuis Ryes est longue et épuisante, il a grand besoin de récupérer, tu le comprendras aisément.

Jacques observa plus attentivement le groupe et ne distingua ni oriflamme, ni jeune garçon et pas même une seule représentation des armoiries d'Avencourt. Si le ton de son interlocuteur se voulait rassurant, il n'en demeurait pas moins que cela était troublant, le petit Enguerrand attachait une grande importance à montrer son appartenance à cette prestigieuse lignée et les armes de ses parents, en outre aucune lettre n'avait annoncée le retour du maistre des lieux et la fin de l'état d'urgence du Lyonnais et du Dauphiné n'avait été prononcée qu'il y a peu. Dans le doute et la panique, le garde prit sur lui de se méfier, sortit son épée du fourreau et siffla pour alerter le reste de la garnison qu'un danger était peut être aux portes du domaine de Maubec. Jamais des brigands ne pourraient fouler ses terres et y apporter la ruine et le malheur, il avait bien assez frappé jadis.

Pourtant la peur ne passa pas dans le cœur de Jacques, il avait devant lui plusieurs guerriers lourdement armés et visiblement expérimentés. Le surnombre relatif ne suffirait peut être pas.
Maintenant les cavaliers ripostèrent, il serait bien assez tôt pour le découvrir...

Les cavaliers avaient sortis leurs épées ou leurs lances en réponse à l'attitude des gardes du château, chaque camp ne sachant trop quoi faire, que comprendre et comment réagir, ce qui expliquait la cacophonie qui régnait. Un long moment chacun resta sur ses positions, les défenseurs n'osant faire couler le premier sang puisque rien ne révélait une menace réelle imminente, les arrivants, quant à eux étaient là en amis, il n'était pas question de se battre pour eux.

Finalement le brouhaha fut interrompu par un son de corne. La surprise se lisait sur chaque visage, notamment celui des maubelans. Le silence retomba alors, ce qui permis à une voix de se faire entendre.

Que ceci cesse ! Allons, est-ce là une manière d'accueillir des visiteurs en ces terres, de surcroit son seigneur ? Garde, ordonnes à tes hommes de ranger leurs armes et fais place à mes compagnons.

La mine de Jacques se décomposa quand un son se fit entendre pour ramener le silence et encore plus quand un jeune adolescent blond sortit des rangs des cavaliers sur un destrier marron. Il était vêtu simplement, une tunique bleue et des bottes, son bouclier était attaché à sa selle dissimulant son épée.

Veuillez m'excusez jeune cavalier mais je ne reçois d'ordre que du Vicomte de Maubec et de nul autre. Mon seigneur est actuellement à Ryes pour y poursuivre une formation militaire de qualité parmi les chevaliers de la Licorne et ce n'est encore un enfant, vous n'avez de comment que vos cheveux blonds et je doute que cela suffise pour pénétrer icilieu, j'en ai peur.
D'ailleurs, il serait de bon ton de vous présenter quand vous exigez l'hospitalité.

Si le jeune homme appréciait en son fort intérieur une telle preuve de loyauté et un tel sens du devoir et de l'honneur, il n'en demeurait pas moins déçu de l'hostilité ambiante dans ce noble pays. Quelque chose dans l'air trahissait le calme et l'apaisement qu'il avait connu jadis dans son enfance. Les temps changeaient et non en bien.

Tu as raison mon brave. Il convient de se présenter en pareilles circonstances. Pour autant, je crois que mon cher Jehan s'en est acquitté tantôt. Je me nomme Enguerrand, fils d'Aymon et Amalya Francesca d'Avencourt, héritier de la lignée des Avencourt en Lyonnois et Dauphinois, frère d'Aliénor, et de retour de la forteresse de la Licorne à Ryes en Normandie pour trouver en repos en mon Vicomté de Maubec.

Le visage de Gilles se décomposa en une expression d'incrédulité, de surprise, de honte mêlée à une certaine joie de revoir le seigneur chez lui enfin.

Je comprends aisément que tu ne m'ai point reconnu, il est vrai que j'ai grandi depuis ma dernière visite icilieu. Je ne suis plus l'enfant qui pleurait en quittant son château mais un garçon ayant reçu une éducation militaire.

Toutefois, si j'admire ta loyauté envers ma maisonnée et le courage dont tu as fais preuve, j'avoue être on ne peut plus surpris du cours que les choses prenaient si je n'étais intervenu. Explique-moi pourquoi et comment cette tension a-t-elle gagné mes terres, je te prie.