Enfin, l'on se souvint du chemin menant à Guillestre...

Une douce mélopée flottait dans les couloirs du château. Les notes délicates d'un luth mêlées à une voix aux accents occitans s'échappaient de la porte entre-ouverte d'une pièce de taille respectable. D'ordinaire réservée aux hôtes de marque, Aliénor l'avait également adoptée comme une sorte de boudoir. Elle en avait fait refaire la décoration à grand renfort de tapis et de tapisseries richement décorées et très colorée, de meubles en bois précieux, etc.

La jeune maîtresse des lieux par défaut était allongée sur les coussins d'un banc en bois, pièce de marquetterie finement ouvragée. De côté, elle avait la tête posée sur les genoux de Margaux, qui peignait doucement la chevelure blonde de sa petite maîtresse. Aliénor avait les yeux fermés et le sourire aux lèvres ; elle rêvassait tandis que les trouvères lui chantaient les preux chevaliers et les nobles princesses de l'amour courtois.

Cependant, un léger raclement de gorge vint perturber l'harmonieuse mélodie.

- Damoiselle Aliénor...

Une paupière juvénile s'ouvrit sur un oeil bleu, maussade.

- Qu'y a-t-il ?

- Une visite, ma Demoiselle. L'on vous demande audience.

Elle se redressa en soupirant et lissa les plis de sa robe bleu roy.

- Si tu me déranges encore pour un manant dont les moutons sont malades, je te ferai rosser.

Le domestique s'inclina platement.

- Non, damoiselle. Il s'agit de Sa Grandeur le vicomte de Crots, Jean Zwyrowsky.

- Jean de Zwyrowsky, corrigea doctement Aliénor. A moins qu'il ne veuille cacher son état de noblesse. Il est également baron de Saillans et seigneur de Ribiers. Fais attention et sois précis, de grâce, pour la mémoire de feu mon père. Tu es dans la maison de celui qui a été le plus grand Dauphiné de notre duché.

Elle se tourna vers Margaux et la regarda fixement.

- Eh bien ?... Qu'attends-tu ?... Veux-tu aller l'accueillir et le conduire ici ?... S'il te plait, ajouta-t-elle un peu penaude d'avoir manifestement blessé par sa rudesse sa gouvernante qu'elle aimait tant.

Elle congédia les musiciens d'un geste négligeant de la main puis se leva et attendit près de la fenêtre.

Conduit par la gouvernante, Jean Zwyrowsky pénétra dans le petit salon tandis que mourraient les dernières notes de musique.

La pièce était richement décorée pour un château de montagne - trop richement, peut-être, eu égard au goût du vicomte toujours partagé entre la magnificence et la simplicité. "Rien de trop", comme il disait, peut s'entendre de deux manières... Quoi qu'il en soit, l'ensemble, dans son luxe, respirait le goût de vivre, et c'était là l'essentiel certainement pour la jeune maitresse des lieux.

Celle-ci se tenait debout près de la fenêtre, laissant les rayons du soleil irradier sa chevelure blonde.

Zwyrowsky s'avança à trois pas, puis s'inclina doucement.

Chère enfant, la dernière fois que je vous ai vu, vous n'étiez pas plus haute que cela... Mais je remercie le ciel de vous avoir entretemps fait grâce de tant de charmes. A moins que le mérite n'en revienne tout simplement à vos inestimables parents... Permettez moi de vous saluer humblement, pour l'amour d'eux.

Un large sourire se dessina sur le visage d'Aliénor lorsque son prestigieux visiteur fit son entrée. Il y avait bien longtemps qu'on ne lui avait rendu visite. Elle s'avança dans sa direction, le pas léger et le port naturellement altier, s'arrêtant à bonne distance, comme l'usage le voulait et s'inclina elle aussi.

A l'évocation de ses parents, une ombre fugace ternit son sourire et son regard, ce qui contrastait avec la délicieuse couleur rose qu'avaient pris ses joues avec le compliment du vicomte. Aussitôt elle chassa cette vague mélancolie pour adresser à son interlocuteur un regard pétillant, qui lui seyait mieux.

Messer, je suis bien aise de vous recevoir. Les visiteurs, et ceux de bonne compagnie encore plus, se font bien rares. C'est donc un réel plaisir que de vous voir et de pouvoir enfin avoir quelque discussion civilisée.

Mais avant toute chose, avez-vous fait bonne route ? Mes gens vous ont-ils offert de quoi vous restaurer et vous rafraîchir ? Honorerez-vous la demeure de ma mère de votre présence quelques jours ?

La jeune fille avait encore mille questions à poser à son hôte mais ne voulant pas paraître grossière, elle se tût et attendit qu'il répondît. Ce qui éveillait grandement la curiosité d'Aliénor était la raison de la visite de Sa Grandeur de Crots.

Elle avait l'esprit vif et déjà milles idées se présentaient à elle : peut-être voulait-il faire affaire ?

Peut-être venait-il lui proposer le mariage ? Après tout, elle était désormais en âge (à peine diraient les esprits chagrins), de très bonne famille et par dessus tout infiniment jolie ; les inestimables qualités de ses parents n'étaient qu'immatérielles et elle en avait hérité.

Mais surtout, et c'est ce qui obsédait Aliénor, Jean de Zwyrowsky était un diplomate reconnu à qui des années de service avaient donné un réseau d'informateurs digne d'un roi. Peut-être... oui peut-être... avait-il des nouvelles de sa mère...

Il n'était pas seul à manier l'art du compliment. La réponse que lui fit la jeune d'Avencourt était tout à fait civilement tournée, et le fit sourire.

Vous êtes trop aimable avec votre serviteur, ma demoiselle.

Il marqua une brève pause, et rassura son hôtesse.

J'ai fait bonne route, je vous remercie. C'est que si nous ne sommes pas tout à fait voisins, de Crots à Embrun il n'y a qu'une petite lieue, et d'Embrun à chez vous, à peine une dizaine, ce me semble. Et comme le spectacle des montagnes environnantes est un bonheur dont je ne me lasse pas, ce fut tout à fait charmant, surtout par cette belle lumière d'automne.

Au point qu'à mon arrivée, je n'ai pas laissé à vos gens le temps de me proposer quoi que ce soit, et ai demandé d'emblée à être conduit à vous.

Il s'inclina, mais son visage se fit un peu plus grave. Il hésita un instant. Le but de sa visite était suffisamment sérieux pour que l'on s'évitât les banalités d'usages, certes tout à fait plaisantes, mais qui n'eussent fait que retarder le sujet, et en eussent alors paru bien déplacées.

Mademoiselle, je rentre de Bretagne il n'y a pas quinze jours, et je n'ai trouvé à Lyon nulle nouvelle de madame votre mère, et guère plus de messire le duc d'Hostun, qui m'avait annoncé dans une lettre que j'avais eu de lui en Normandie être parti à sa recherche. J'étais donc fort inquiet, et venais me présenter à vous pour savoir si vous aviez d'autres informations, et de quelle manière je pouvais me rendre utile, soit à eux, soit à vous.

Il redressa la tête, comme s'il voulait apporter une précision, percevant le regard admiratif de la jeune fille, mais se ravisa. Il ne savait pas quelles nouvelles étaient parvenues jusqu'ici, et peu importait après tout. La politique était loin. Il s'aperçut également qu'il n'avait pas répondu à toutes les questions de la jeune d'Avencourt, mais il serait bien temps plus tard.

Cette fois, le sourire d'Aliénor s'envola pour du bon. Son regard se fit sombre et son visage n'avait plus d'enfantin que les traits fins que qu'elle avait hérité de sa mère.

Bon retour dans notre belle partie alors, dit-elle tristement. Rien d'étonnant à ce que vous n'ayez rien appris à Lyon, ce duché d'ingrats égocentriques se moque bien de savoir ce qui est arrivé à deux de ses anciens gouverneurs. De là à dire qu'ils s'en réjouissent... il n'y a qu'un pas... que je ne franchirai que lorsque je verrai la mine déconfite de cette noblesse du dimanche quand ma mère... et Charles naturellement, seront de retour. Car ils reviendront, c'est certain.

La jeune fille insouciante et frivole qu'elle mettait un point d'honneur à rester s'effaça complètement pour laisser apparaitre l'ébauche d'une jeune femme réaliste et pragmatique, tellement consciente de la situation qu'elle en frisait le cynisme. Le ton de sa voix s'était fait un peu amer et très las. Une trace de la "petite" Aliénor subsistant malgré tout dans sa foi inébranlable dans le retour prochain de sa mère et de son suzerain.

Je ne sais ce dont Charles vous a informé aussi vais-je vous livrer les maigres informations que je suis parvenue à réunir jusqu'à présent. Asseyons-nous, cela pourrait être long...

Invitant le vicomte de Crots à la suivre, elle s'installa dans un siège finement sculpté qui trônait au bout d'une belle table faite du même bois, devant la cheminée, éteinte. Elle fit signe à un domestique.

- Apporte-moi le coffret de correspondances. Et fais nous servir un peu de vin et quelques fruits.

Le zélé serviteur s'inclina et s'éclipsa sans un mot.

En attendant son retour, Aliénor entreprit de détailler le moindre indice, la moindre piste qu'elle avait collectés. Le départ de sa mère pour Saint-Firmin au milieu du printemps, la lettre qu'elle reçut quelques jours plus tard de la part du duc d'Hostun qui lui narrait en détail l'absence de sa mère à leur rendez-vous (ce qui l'avait faite sourire... il y avait bien longtemps qu'elle savait), les traces de lutte, les deux hommes retrouvés morts, la petite sculpture de bois retrouvée dans la main d'un des deux, la trace laissée par l'attelage en direction de l'Est, qu'il avait décidé de suivre, sa promesse de secourir Frey, comme il l'appelait.

A la suite de ça, elle avait fait envoyer quelques uns de ses gens mener l'enquête à Lyon, dernière ville dauphinoise où sa mère avait été vue vivante. Le résultat de ces enquêtes via le rapport d'une conversation entre deux individus louches dans une auberge lyonnaise était le suivant. Un homme grand aux cheveux blanc, sculpteur sur bois à ses heures perdues, accompagné par un bonhomme rondouillard brun au gros nez se faisaient passer pour des marchands poitevins. Leur conversation avait laissé sous-entendre qu'ils étaient bretons et qu'ils avaient été engagés par une aristocrate visiblement très fortunée et très titrée, rousse, ni bretonne, ni dauphinoise. Leur objectif était le rapt et non le meurtre, ce qui laissait une large place à l'espoir.

Enfin, il y eut la confirmation du château des Templiers, à Saint-Firmin, que la baronne n'était jamais arrivée à destination...

A ce moment là du récit, le domestique chargé d'aller quérir un certain coffret revint avec l'objet de sa mission dans les mains, qu'il déposa sur la table, devant sa jeune maîtresse.

- Merci Pierre, lui dit-elle.

L'homme parut surpris, presque touché par la gentillesse de la damoiselle d'Avencourt qui s'était... souvenu de son prénom !

- Tout ce que je sais d'autre, mais ce n'est hélas pas grand chose, se trouve dans ces lettres que j'ai reçu du duc d'Hostun.

Elle sélectionna quelques rouleaux de parchemin frappés du dragon macquarien seulement, gardant le reste pour elle. Sa correspondance avec François était celle de deux amis, deux compagnons d'infortunes, de deux enfants accablés par la disparition du seul parent qu'il leur restait et n'avait pas grande vocation informative.

- La dernière date d'il y a un mois environ. Il avait franchi la frontière et se trouvait en Italie. Il a trouvé là-bas quelques témoins qui disaient avoir vu ma mère en vie. Cela nous a tous soulagés, cela va sans dire. Mais depuis... hélas... plus rien...

Elle tendit les missives à Zwyrowsky.

-Peut-être trouverez-vous là dedans quelque chose qui attirera votre attention plus que la mienne. J'enrage de devoir l'admettre mais je suis totalement impuissante et désemparée.

Elle leva vers son interlocuteur un regard à la fois implorant et déterminé.

- Ma mère vous à en grande amitié, vous n'êtes pas sans l'ignorer. Elle vous estime beaucoup et a toute confiance en votre sagacité et votre intelligence. Aussi, je vous en conjure, si le moindre détail vous interpelle... Je suis prête à vous fournir toute l'assistance, matérielle ou autre, qu'il vous faudra si jamais vous trouviez quelque piste ou aviez quelque idée qui nous permettrait de retrouver leur trace et de les ramener sains et saufs.

Négligeant pour un instant le commentaire sur la noblesse ducale, et le compliment qui lui était fait, Jean Zwyrowsky parcourait les lettres.

Hmm... Pour ce qui est de l'enlèvement et de ses circonstances, Carnil m'en avait à peu de choses près résumé l'essentiel dans sa lettre.

Il passait d'un feuillet à l'autre.

Une rousse dame, cela peut-être n'importe qui... De la duchesse et paire Morgwenn de la Louvetterie, jusqu'à la dernière des mères maquerelles de Marseille... Et encore, en supposant que ce ne soit pas une fausse piste laissé par ces marauds...

Il releva la tête.

Mais ce que ne nous disent pas ces lettres, c'est où il se trouvait en Italie, et où il comptait chercher. L'Italie est vaste, et les Italiens volatiles... S'il faut les y chercher là-bas sans plus de précision, la tâche est homérique...

Il soupira. Sa bonne volonté, et toutes les qualités énumérées par la jeune fille depuis le début de leur conversation - en supposant qu'elles fussent fondées - ne pouvaient suffire à la tâche.

François de Macquart, ou votre frère Enguerrand, pourraient-ils avoir reçu d'autres éléments, selon vous?

Il ajouta, perplexe.

Connaissiez vous des ennemis à votre mère? Car en y réfléchissant, je lui sais bien des adversaires, mais aucun assez acharné ni assez puissant pour commanditer un tel acte...

Une idée lui traversa l'esprit, qu'il s'efforça de retenir et de fouiller. Pourquoi chercher les ennemis de Francesca Amalya d'Avencourt? Et pourquoi pas ceux du duc d'Hostun? Depuis la mort de leurs époux respectifs, tous ceux qui les connaissaient savaient leur rapprochement. Et le duc, qui fréquentait parfois la Cour, qui avait été au Temple dissous, qui avait fait la guerre en Champagne, dont le fils François avait lui même été enlevé en son temps par la lie de la terre, faisait une cible de vengeance beaucoup plus crédible... Il attendit la réponse de la jeune fille à ses deux questions précédentes, avant de formuler une nouvelle proposition.

Aliénor se refrogna mais attendit que le vicomte eût exposé toutes ses pistes avant de maugréer à voix haute.

- Mortadelle...

Elle se tut quelques instants, le regard sombre.

- En vérité, Votre Grandeur, il y a deux choses qui m'interpellent, deux possibilités que je considère comme plus plausibles que les autres. Il y a bien sûr la succube bourguignonne dont le comportement plus que louche et le curriculum vitae attirent les soupçons de culpabilité. Elle n'est pas dauphinoise et écume les duchés à la recherche de nobles à épouser et de titres à hériter.. Si vous voyez ce que je veux dire... Elle se trouvait en Bretagne lors du conflit, je me trompe ? Engager des mercenaires bretons lui aurait été d'une facilité quasi enfantine, non ?

Elle réfléchit puis continua son exposé.

- L'on notera sa promptitude si ce n'est sa précipitation à quitter notre fier duché et à épousailler le duc de Bourgogne en place ainsi que celle dont elle fit preuve pour démissionner de ses fonctions de roy d'armes. Le tout peu après la disparition de ma mère et de Charles... Coïncidence ? Charles est maréchal d'armes. Peut-être cette sorcière lui en voulait-elle ? Allez savoir, avec les roux... Mais vous avez parfaitement raison : ce n'est peut-être pas à ma mère que l'on s'en est pris mais au duc d'Hotun à travers elle... Nul n'ignore leur amitié bien que très peu sache ce qu'il en est vraiment. Cependant, très peu n'est pas personne...

Elle planta ses yeux bleus empreints de détermination (à moins que ce ne fût de la haine ? ) dans le regard de Zwyrowsky.

- Mais la seconde chose qui retient mon attention est le fait que Charles soit maintenant en Italie. Car voyez-vous, il se trouve que ma mère a des racines par delà le piémont : ma grand-mère était italienne. Francesca n'est pas un prénom très courant dans nos contrées...
Cependant, Mère ne s'est jamais montrée très loquace à ce sujet ; à vrai dire, elle détournait systématiquement la conversation lorsque je venais à lui poser des questions sur ses origines. J'en ai déduis que l'histoire ne devait point être heureuse. Si jamais j'ai raison alors peut-être son passé la rattrape-t-il ?

Cette hypothèse est aussi extravagante que capilo-tracté, j'en conviens mais je crains que nous ne puissions nous permettre de négliger quelque piste que ce soit, n'est-ce pas ?

Toujours est-il que nous avons un problème : l'engeance rousse est à nos portes ! Il nous faudra avertir mon parrain de Gouverneur de la menace qui gronde à notre frontière.

Elle fit une moue méprisante.

L'ombre triple duchesse, et sans nul doute future veuve, plane un peu trop sur cette affaire à mon goût.

Zwyrowsky sourit.

Vous vous entendriez certainement à merveille avec l'ours de Boissieu...

Puis se refit plus sérieux.

Certes, certes, j'entends bien votre suspicion concernant la duchesse, mais quel intérêt aurait-elle à cette double disparition? Le duc d'Hostun n'est pas à prendre, ce me semble, et il a laissé la régence d'armes de France. Elle-même a trouvé un autre duc, et même si celui-ci finit par trépasser, à Dieu ne plaise, il lui faudra tout de même quelques moments avant de passer à la conquête du suivant.

Il réfléchit un instant, égrenant une grappe de raisin qui avait été servie parmi les fruits.

Non, si le mobile est du côté de votre mère, cette piste familiale me parait plus intéressante, et plus cohérente avec ce que nous savons du parcours de Charles, et ce que vous me dites du silence de votre mère sur ce chapitre, qui sent, si vous me passez l'expression, le cadavre dans le placard.

Cependant, il nous faudrait donc nous enquérir de ce que son père aurait pu transmettre à François de Macquart, et que nous ignorerions.

Par ailleurs, si le mobile est du côté de votre père, peut-être serait-il bon de prendre son avis. N'êtes vous pas d'accord, jeune demoiselle?

Il la regarda, presque amusé d'être sûr de sa réponse, et saisit un verre de vin pour se désaltérer.

Aliénor eut d'abord pour seule réponse un haussement de sourire perplexe. Elle réfléchit un instant puis demanda, après avoir remis en place derrière son oreille droite, une blonde mèche rebelle de sa blonde chevelure (Dieu quelle blonditude !)

Soyez rassuré, François est depuis quelques temps sur la route pour nous rejoindre : il devrait arriver à Lyon dans les jours prochains.
Cependant, pardonnez-moi cher ami mais je crains de ne pas saisir le sens de vos dernières paroles... Mon père... dites-vous ?

Alors nous devrions peut-être le rejoindre là-bas, ne pensez-vous pas?

Puis, se remémorant la seconde remarque de la jeune d'Avencourt - son geste de la main était tout à fait délicieux - et ses propres paroles, il rougit presque.

Ahem... Je pensais à son père. Celui de François. Naturellement. Je suis confus.

Il sourit agréablement, tentant de faire oublier son lapsus.

Je pourrai ainsi vous rendre votre charmante hospitalité à mon hostel de Lyon. Si vous daignez m'honorer l'un et l'autre de votre visite.

Aliénor adressa un sourire gracieux à son hôte.

Ma foi, cela me semble judicieux. D'autant que je comptais me rendre à Lyon, afin d'assister à la cérémonie d'allégeance au Gouverneur. Je ne manquerai ça pour rien au monde...

C'est votre invitation qui m'honore, Votre Grandeur et c'est avec grand plaisir que j'accepte.

Prions pour que François ait des nouvelles de son père. Et de ma mère...

Elle resta songeuse quelques instants. Voilà des années qu'elle n'avait pas revu François. Les deux amis s'étaient quittés enfants. Elle retrouverait un jeune adulte et lui une jeune fille presque femme. De quoi aurait-il l'air à présent ? Le reconnaîtrait-elle ?
Puis revenant à la réalité, elle ajouta :

- Mortadelle est plus perverse que vous ne le pensez. Je la soupçonne de ne pas être étrangère au trépas de notre "bien aimée" Reyne, puisque c'est comme cela qu'il convient de l'appeler.

Elle fit une petite moue boudeuse avant de reprendre.

Le Duc d'Hostun n'était peut-être pas à prendre de gré. Mais peut-être de force... ou de désespoir... Allez savoir ce qu'il peut passer par l'esprit maléfique d'une rousse. Elle a bien réussi à faire reconnaître son engeance bâtarde par le prince de Fontainebleau, qui parait-il n'est même pas son géniteur.
Enfin, soupira-t-elle, nous verrons bien.

Elle se leva en même temps que le vicomte et lui fit une gracieuse révérence avant de le saluer.

- Au revoir cher ami, si vous me permettez de vous appeler ainsi. Ce fut un enchantement autant qu'un soulagement de recevoir votre visite. Faites bon retour. Et puisse le Très-Haut vous avoir en Sa sainte garde.

Par la sainte culotte d'Aristote! Jean Zwyrowsky fronça le sourcil. Qu'avait-il pu dire qui ait pu froisser la jeune d'Avencourt? Son lapsus? Malheureux certes... La jeune fille, avec toutes les formes convenant à son éducation, était ni plus ni moins en train de le renvoyer. Il hasarda tout de même, son sourire se faisant aussi bienveillant que possible.

Ma demoiselle, à moins que vous ne souhaitiez vous mettre en route que dans quelques jours, puis-je vous proposer de cheminer ensemble jusqu'à Lyon? J'aurai le plaisir de votre conversation, et de m'assurer de votre sécurité avec mes gens. Je puis vous attendre à Crots, si vous souhaitez retarder de quelques heures votre départ, ou à Die, peut-être - où dame Espoire d'Amilly pourrait se joindre à nous, si elle s'y trouve et si cela vous agrée. La décision est votre.

Il s'inclina, indiquant la possibilité qu'il se retire une fois la réponse à sa question connue.

[HRP] Je pars une semaine en vacances - à la poursuite des ravisseurs aussi, ou presque: à Rome - donc je laisse Aliénor décider, et éventuellement faire intervenir Zwyr si elle le souhaite, ici ou ailleurs - notamment Amilly, ou Espoire serait certainement ravie de se joindre à un éventuel cortège.[/HRP]

Aliénor eut un sourire un peu gêné.

Vous lisez dans mes pensées, Vicomte. Je n'osais vous le demander. Je serai enchantée de pouvoir continuer à deviser avec vous sur la route de Lyon.

Elle lança quelques ordres d'un geste de la main et deux des domestiques qui se trouvaient là s'inclinèrent avant de disparaitre prestement dans les couloirs afin de commencer à préparer le départ de la maîtresse de maison intérimaire.

Cependant je dois avouer que je n'ai guère d'expérience en matière de voyage... Aussi je m'en remets à votre jugement que je sais éclairé en la matière afin de décider du lieu de départ.

Quant à l'idée de rejoindre Dame Espoire, elle me ravit. Je sais qu'elle se soucie beaucoup du sort de ma mère et que toutes deux sont très proches. Je l'ai moi aussi en grande amitié.

Elle se tourna vers le vicomte de Crots et pencha légèrement la tête, songeuse...

Est-ce une bonne amie à vous pour que vous suggériez que nous la rejoignîmes ?

Subitement, le vicomte avait semblé être totalement passionné les tapisseries accrochées aux murs du salon, éludant poliment la question de la jeune fille à la curiosité débordante.

Elle eut un petit sourire en coin et changea de sujet en donnant quelques directives supplémentaires à ses gens.

Bientôt tout serait prêt. Dans quelques jours, elle serait à Lyon et retrouverait François. A cette pensée, son coeur se gonfla d'espoir (tout comme devait déjà l'être celui du vicomte de Crots...).