Visite de Walan

Freyelda avait été prévenue par Margaux qu'un visiteur était venu. Un soldat. Que le baron ne pouvait recevoir car il avait à faire à Lyon. Mais sa tête de linotte de suivante avait déjà oublié son nom le temps de monter les escaliers. La baronne soupira en souriant.

Par Aristote, Margaux, que tu peux être distraite tout de même ! Qu'allons nous faire de toi ?!

Margaux baissa les yeux, les joues un peu rouges de honte. Freyelda se mit à rire joyeusement et fit signe à sa jeune suivante de s'approcher.

Allons, allons, je te taquine. Pardonne-moi, veux-tu. Viens donc m'aider à me relever je te prie.

La bonne humeur communicative de la jeune femme rendit son sourire à Margaux qui s'élança joyeusement à travers la pièce. En un instant, elle fut auprès de la baronne pour l'aider à se relever. Même cette dernière pouvait encore se débrouiller tout seule, la jeune suivante avait reçu des ordres très précis du baron : ne pas lâcher la baronne d'une semelle, l'aider dans ses moindres faits et gestes, ne pas la laisser comettre d'imprudence. Sa maîtresse s'était d'ailleurs soumise de bonne grâce à ces conditions de surveillance rapprochée car elle savait que c'était pour son bien.

J'imagine, reprit Freyelda, que mon cher époux préfèrerait que je ne descende point les escaliers et que je reçoive notre soldatesque visiteur en haut, n'est-ce pas ?

Vous imaginez bien, Madame, répondit Margaux avec un sourire complice. D'autant qu'à ce que j'ai pu comprendre, il s'agit d'un ami de la famille.

Fort bien, fort bien. Et bien, dis lui de monter dans ce cas, je l'attendrai dans la suite verte.

Margaux avait mené Walan jusqu'à la suite où l'attendait Freyelda. Le soldat attendit patiemment que la jeune femme l'introduise avant de la remercier d'un sourire.
Puis il se dirigea vers la dame de Vénissieux, baronne de Maubec (et le reste), toujours en souriant.

Bonjour Frey, comment vas-tu ? J'ai fini par trouver le chemin de vôtre château tu vois, ajouta-t-il avec un clin d'oeil

Le visage de Freyelda s'éclaira d'un franc sourire lorsqu'elle aperçut Walan.

Walan ! Quelle bonne surprise ! Je suis contente que tu te sois enfin décidé à venir. As-tu trouvé facilement ? Je sais que le chemin n'est pas forcément évident à trouver : Maubec ne trône pas sur toutes les cartes.

Enfin, je suis heureuse de te voir. Assied-toi, je t'en prie, mets-toi à ton aise. Et permets-moi de ne point me lever pour te saluer. Mon "locataire" commence à se faire lourd vois-tu...

Elle fit une petite moue en posant les mains sur son ventre arrondi.

Alors ? Quel bon vent t'amène au chateau des Roches ? Viendrais-tu m'annoncer que tu as renoncé à cette folie qu'est cette satanée guerre en Anjou ?

Toujours souriant, et même encore un peu plus qu'avant lorsqu'il vit Freyelda, le jeune homme s'assit doucement sur l'un des sièges présent aux côtés de son amie.
Puis son visage s'assombrit lorsque la baronne lui parla de l'Anjou.

Je suis désolé Frey, mais je ne viens pas te dire ça ...
Au contraire, j'étais venu te dire au revoir ajouta-t-il l'air triste.

Si Aristote le veut, je serai vite rentré, peut-être même avant que ton "locataire" ne quitte sa chambre, dit-il avec un sourire et un clin d'oeil.

Freyelda sourit tristement à son ami.

Je vois... Enfin, tu fais ton devoir et tu vas servir notre bon Roy : j'imagine que j'aurais du te faire la morale si jamais tu m'avais annoncé que tu renonçais à assumer tes responsabilités de soldats.

Elle se mit à rire doucement.

Ah... quelle rabat-joie je fais ! Cependant, je veux que tu me promettes une chose : sois prudent, ne joue pas aux héros et reviens nous vite sain et sauf.

Elle regarda attentivement son ami, qui lui répondit, avec un regard malicieux :

Euh, Frey, ça fait trois choses ça, pas une.

Les deux amis partirent d'un grand éclat de rire. La jeune baronne en profita pour changer de sujet.

Oui, tu as raison. Mais parlons de choses plus gaies. Alors quelles sont les nouvelles de ton côté ?

Ils parlèrent pendant des heures, profitant du fait de se voir une dernière fois avant que la guerre ne tiennent éloignés les vaillants soldats dauphinois de leurs foyers. Puis vint le temps des "au revoir", qui se firent non sans une pointe de tristesse dans les voix.

Je sais que je me répète, mais sois prudent mon ami. Et demande aux autres de l'être aussi. Je prierai pour vous tous, pour que nous puissions nous retrouver un jour.

Et puis j'espère que cette guerre ne sera pas trop longue et que toi comme Ayerin et Tiredaile serez là pour la naissance de l'enfant. Il me serait agréable d'avoir mes amis autour de moi pour un tel évènement. Il nous faudra des gens de bons conseils pour choisir des prénoms, dit-elle en riant. Cependant, tout ceci est à grâce du Très-Haut, j'imagine. Puisse-t-il nous entendre.

Au revoir Frey, sois prudente toi aussi, ne va pas te surmener ... dit Walan avec tristesse.

C'était la dernière fois qu'il voyait son amie, sa confidente, avant longtemps et malgré les heures qu'ils venaient de passer ensemble, le soldat regrettait déjà son départ.

Il s'approcha de la jeune femme, voulant la serrer dans ses bras, avant de se rappeler que Freyelda, cette chère Freyelda, n'apprécierai peut-être pas le geste. Aussi se contenta-t-il d'une simple main sur le bras.

Puis Walan respira un bon coup, fit un sourire à son amie et passa le seuil de la suite, vers les portes du château, et vers la guerre ...