Chasse à courre

Sujet: Chasse à courre Lun 20 Sep 2010 - 20:04

Après une nuit au calme pour l'ensemble des chasseurs et une fois les divers préparatifs matinaux terminés, Walan avait demandé à chacun de gagner la cour du castel de Charpey pour entamer la deuxième chasse au programme : la chasse à courre.
Cette fois-ci, un unique animal serait chassé par l'ensemble du groupe, traqué jusqu'à épuisement par la meute de chien excités qui attendaient non loin des portes. Jusqu'à épuisement, si toutefois il ne parvenait pas à échapper au flair de la meute avant ... Ce genre de chasse ne ramenait pas souvent de gibier, à vrai dire, mais cela en faisait une grande part de l'intérêt.

Tout en attendant ses hôtes, Sans Repos alla voir les rabatteurs qui avaient parcouru tout le fief durant les jours et la nuit précédente pour trouver une belle piste, capable de fournir à la compagnie une belle chasse. Leur demandant à mi-voix ce qu'ils avaient trouvé, le vicomte eut un fin sourire , les remercia et retourna se placer près de sa monture pour y poursuivre son attente.

Sujet: Re: Chasse à courre Mar 21 Sep 2010 - 23:54

Le soleil se levait à peine quand Anne sortit du lit. Elle avait le temps, pourtant. Messire Walan avait dit que l'on se réunirait dans quatre heures. Mais la nuit avait été mauvaise, et la journée précédente aussi.
A l'issue de la chasse au vol, l'hôte avait fait à Anne une remarque sur sa pâleur. Elle était fatiguée, en effet. Quoi de plus normal, après une journée au grand air, quand on a l'habitude de travailler entre quatre murs ?
Le repas avait été fort plaisant. Anne s'y était montrée plutôt silencieuse. On pouvait mettre son mutisme sur le compte de la fatigue. On pouvait aussi comprendre qu'elle n'avait pas envie de parler avec tel ou tel, au vu des désaccords qu'elle avait avec plusieurs de ses pairs. La réalité combinait un peu des deux raisons ... et une troisième. Des tiraillements étranges lui naissaient dans les entrailles, qui mobilisaient son attention, la livraient à des calculs déjà cent fois renouvelés, et ramenaient l'espoir.
Une fois couchée, elle n'avait plus ressenti la moindre gêne, et l'espoir s'était éloigné.

Quand on se mit en route pour Charpey, elle dut endurer ce qui, pour elle, était une véritable torture. On longeait le Rhône. Les eaux étaient au plus bas. L'été avait été sec. Mais même à l'étiage le fleuve charriait des masses énormes, qui effrayaient Anne. Dans sa hâte de quitter au plus vite les abords du cours d'eau, elle mettait Grisonne au trot, la vieille jument refusant obstinément le galop. Durement ballotée sur sa selle, elle reprenait une allure plus normale, se laissait rejoindre par le reste de la compagnie, devenait livide à la pensée que l'un ou l'autre pût s'apercevoir de son malaise, et relançait Grisonne.
A Charpey, elle fut la première à rejoindre sa chambre. La petite servante qui l'aida à délacer ses manches avait à peine refermé la porte qu'elle dormait déjà, d'un sommeil agité, peuplé de cauchemars, où se mêlaient les images de son père poignardé au bord de la Seine, du corps pantelant d'un lièvre tué à Meyrieu, du visage de cire de HdB à la veille de sa mort, d'une poule d'eau qui grandissait jusqu'à obscurcir tout le ciel de sa masse fuligineuse. La poule d'eau brassait l'air de ses ailes immenses, en frappait les arbres qui s'abattaient dans un fracas d'Apocalypse, dardait sur les chasseurs des yeux d'où fulguraient des éclairs bleuâtres.

A plusieurs reprises, Anne se retrouva assise dans son lit, complètement perdue dans cette chambre qu'elle ne connaissait pas. Elle comprenait que les bruits et les lumières de son rêve ne faisaient que retranscrire l'orage qui se déchaînait au-dehors. Elle se recouchait, tentait de se rouler en boule, comme quand elle était enfant, pour lutter contre la peur, n'y parvenait qu'à demi à cause de ce ventre honni qui prenait toute la place.
Et elle replongeait dans le cauchemar.

C'est pourquoi elle se leva dès l'aube. N'osant appeler la servante, qu'elle ne connaissait pas, et dont elle ne savait pas les habitudes, en ce castel où elle venait pour la première fois, elle se débrouilla tant bien que mal pour se vêtir et se coiffer seule. Elle surprit les gens des cuisines, quand elle s'y introduisit dès potron-jacquet ; l'on s'empressa, on lui trouva du pain, du fromage, la soupe fut vite réchauffée, une grande fillette de douze à treize ans fut dépêchée pour traire la vache dévolue au service du castel.
Il fallut ensuite passer le temps.
Anne retourna un peu dans sa chambre, y admira les tentures, que sa fatigue de la veille ne lui avait point laissé loisir d'apprécier. Elle trouva la chapelle, y resta un long moment en oraisons, se releva courbaturée, tout le corps douloureux.
Une petite marche dans les jardins la remit un peu d'aplomb. Le soleil montait dans le ciel, sans parvenir à sécher toute l'eau tombée au cours de la nuit. Une légère vapeur montait de toute chose, rendant plus flous les contours des bâtiments. Il était temps de s'en revenir vers le lieu de rendez-vous fixé par Messire Walan.

L'hôte se trouvait déjà là. Venant des écuries, Bacchus menait un cheval qu'Anne n'avait jamais monté. Pour une chasse à courre, la vieille Grisonne ne ferait point l'affaire. L'étalon bai brun récemment acquis par Bacchus serait plus approprié. Il était plus vif, plus nerveux que la jument. A ce constat, Anne sourit.

Le bonjour, Messire Walan. Suis-je en avance ?

Sujet: Re: Chasse à courre Jeu 23 Sep 2010 - 23:23

La chasse avait pris fin lorsque chacun, à son tour, eut lancé puis récupéré son rapace. Avec plus ou moins de bonheur mais l'amusement et la bonne compagnie étaient au moins au rendez-vous. Et puis le grand air et la liberté convenaient tout fait à la brune.

Une fois de retour en la demeure de Walan, du moins dans celle concernée par la première chasse, elle avait été prendre possession de ses appartements pour cette nuit, en profita pour se rafraichir et se changer. Elle ne pouvait guère se montrer en tenue d'homme à table, le soir même. Une fois prête, elle rejoignit donc les invités et leur hôte.

Au menu, le résultat de la journée mais visiblement la cuisinière n'avait pas compté que sur leurs talents pour rassasier les convives. La vicomtesse chercha des yeux son pigeon parmi les plats mis en valeur avec goût. Point de pigeon. Elle chercha des yeux Walan, l'interrogea du regard et se rappela soudain ce qu'il lui avait dit et se demanda un instant si sa déduction était la bonne.

Le repas se passa plaisamment et lui permit de mettre un nom sur chaque membre de la tablée. Elle les écouta, observant de temps à autre la jeune Anne bien silencieuse et bien pâle. Son deuil récent ne devait guère la mener à sourire souvent, encore moins si elle avait raison quand à son état. Cependant Marie s'était abstenue de lui en parler ou de poser la moindre question à ce sujet. Et la jeune veuve s'était retirée rapidement pour se coucher. La licorneuse avait trainé un peu avant de faire de même, pour une nuit où elle avait eu un peu de mal à trouver le sommeil. Peut-être à cause du calme alentours. Ou bien parce que le lit n'était pas... Enfin Morphée finit par avoir pitié d'elle et lui permit de le rejoindre quelques heures.

Le lendemain, la petite troupe prenait le chemin vers une autre chasse et une autre demeure. Longeant le Rhône par endroit, tranquillement, certains devisaient calmement alors qu'elle suivait des yeux le courant et laissait ses pensées suivre le cours, un sourire étirant ses lèvres. Puis il disparaissait et son regard se reportait sur les présents. Entre chaque portion de trajet, un peu de repos ou de nourriture et, hélas pour elle, des parchemins à étudier pour y répondre, des nouvelles qui lui faisaient froncer les sourcils, lever les yeux au ciel ou pousser un soupir de soulagement. Le dernier étant de loin le moins fréquent de trois.

Une fois à destination, Walan joua son rôle de maitre de maison, leur faisant visiter Charpey puis il fut temps, à nouveau, de prendre quelques repos pour être en forme pour le lendemain. Cette fois ce ne furent ni ses pensées ni le lit qui la gardèrent éveillée mais un orage qui éclata. Des éclairs, le tonnerre, rien qui l'effraya réellement mais assez de bruit et de lumière pour qu'elle se crût en plein champ de bataille. Lorsqu'enfin il se calma, à nouveau elle rejoignit l'homme qui partageait son sommeil, lui permettant de se reposer à nouveau un peu. Le soleil lui-même ne la tira pas de ses rêves mais il fallut bien se lever enfin. Long soupir, étirements, ouverture de paupières, grognement puis enfin levée de corps. Une fois debout, elle s'habilla rapidement, à nouveau enfila braies, chemise et bottes puis descendit aux cuisines pour y piquer un peu de pain et une pomme avant de rejoindre le point de rencontre. Le vicomte y était en compagnie d'Anne. Petite révérence, petite bouchée du fruit.

Bonjour vous deux. Belle matinée n'est-ce pas?

Ton enjoué malgré ses cernes, toujours un peu de liberté.

Sujet: Re: Chasse à courre Ven 24 Sep 2010 - 3:50

Lorsque tout le monde se fut essayé sur une proie, la chasse prit fin. Résultat des courses après que son oeil scrutateur ait parcouru la totalité de leur butin : il ne manquait plus qu'à espérer que Sans Repos ait prévu autre chose à grailler.

Une fois de retour à Meyrieu et son canard remis aux cuisiniers, le Vicomte avait suivi un domestique qui le guida jusqu'à ses appartements. Un bain fumant l'attendait, qui fut très court, car seulement un orteil eut le loisir d'être trempé avant que Phelim ne juge suffisant ses efforts pour ses ablutions.

La tenue de chasse fut troquée contre des vêtements d'apparât et, prêt avant que le repas et la plupart des convives ne le soient eux même, le Guerrero en profita pour arpenter les couloirs en observant la décoration des lieux. Oui, on aurait pu dire qu'il faisait du tourisme. Les sous sols de la seigneurie n'échappèrent pas non plus à l'inspection, simple vérification pour constater si oui ou non Walan y planquait lui aussi des cadavres.

Enfin, l'heure du dîner vint, signaler par les gargouillements de son estomac, et il se dirigea vers la salle prévue à cette effet. L'ambiance du festin fut plutôt silencieuse au début, comme-ci chacun était préoccupé. Cela ne l'empêcha néanmoins pas de festoyer dignement en se baffrant et en faisant honneur au vin de table. Au moins à la fin de la soirée, ce dernier n'eut plus de secret pour lui.
Puis pour clore le repas, parce que son humeur était devenue joyeuse, l'Imprévisible régala ou bien cassa les oreilles, c'est selon, de tout le monde avec des chansons paillardes.

Un jour Madame Perette
Me mena dans son jardin
Me donna par amourette
Un bouquet de Romarin
Et autre chose & tout
Que je n’ose dire, dire, dire,
Et autre chose & tout
Je ne vous diray meshui tout.

Je luy dis bas en l’aureille
Ma douce amie baisez moy,
Baisez moy à la pareille
J’en ay besoing par ma foy.
Et autre chose & tout.

Point ne feit de la mauvaise
Je la jetay à l’anvers
Je l’accolle je la baise
Vy ses genoux descouverts
Et autre chose & tout.

Ainsi comme pouvez croire
Cela me mist en chaleur
Et me vint une collere
Qui me fist enfler le cœur.
Et autre chose & tout.

Je commençay à combattre
La pauvrette se rendit
Deux fois trois fois voire quatre,
Puis l’aleine me faillit.
Et autre chose & tout.

Elle fouillist en sa boursette
D’un escu me fist present
Grand mercy Mademoyselle
Grand mercy de vostre argent.
Et d'autre chose & tout.

Beuvez un peu ce dict elle
Pour vous mettre en vigueur
Je responds madamoyselle
Le vin me fait mal au cœur
Et autre chose & tout.

Devisons un peu ce dict elle
Me voulez-vous ja laisser
Par ma foy madamoyselle
Je suis las de deviser.
Et autre chose & tout.

Et demain au matin
Je reviendray rire,
Et demain au matin
Je reviendray au jardin
Et autre chose & tout.

Posant une main sur l'épaule de Thib et l'autre sur celle de 'wel, il dit.

Allez, on reprend avec moi !

Bref, au fur et à mesure que la nuit s'avançait, les convives se levèrent tour à tour pour aller dormir, et comme l'on s'en doutait, le Lyonnais ne fut pas dans les premiers à se retirer.

Le lendemain, l'oeil éteint et un air lugubre sur le visage comme celui d'une femme enceinte le matin quand les nausées viennent la saluer, il avait pris la route avec les autres, ne parlant pas plus que nécessaire.
Le soit à Charpey, le Seigneur de Tassin la Demi Lune fut beaucoup moins fêtard que la veille et malgré le bruit du tonnerre qui s'entendit fort dans les chambres, il dormit à poings fermées ... rien n'aurait pu le réveiller.

A l'heure convenue du rassemblement, il fit son apparition, frais comme un poisson de Vienne et dispo pour une nouvelle journée de chasse. Sa tête s'inclina quand il aperçut les premières personnes présentes et il ajouta.

'Jour.

Sujet: Re: Chasse à courre Sam 25 Sep 2010 - 17:16

Alors qu'il venait de terminer ses interrogations aux rabatteurs, Walan vit arriver Anne alors même que son cocher était en train de sortir sa monture des écuries. Petite coïncidence de la vie, à moins que -chose fort possible- Bacchus n'ait guetté discrètement l'arrivée de sa jeune maîtresse pour amener sa monture.
Tandis que la juvénile baronne d'Aupic venait près de lui, Sans Repos l'observa du coin de l'œil, cherchant à voir si la fatigue qu'il avait cru voir en elle lors de la chasse au vol était toujours présente. Le vicomte gardait à l'esprit la demande de Nefertianne à ce qu'Anne ne chevauche pas dans son état, et après la mine blafarde qu'elle avait eue à la fin de la première chasse, il se demandait s'il avait bien fait de ne pas insister davantage pour que la jeune femme ne monte pas.
Il répondit néanmoins à sa question avec un léger sourire.

Bonjour Anne, vous avez un tout petit peu d'avance mais je ne doute pas que les autres vont arriver d'un instant à l'autre.
Voyez, je vous le disais !

En effet, alors même qu'il prononçait ces mots, Marie Alice apparu dans la cour, et Walan la suivit du regard jusqu'à ce qu'elle soit près d'eux, lui souriant lorsqu'elle les salua.

Bonjour Marie, une très belle matinée en effet, qui ne cesse de se faire plus belle.
Ah, voici un autre de nos chasseurs, ajouta le vicomte en voyant venir Phelim. Rendant son signe de tête au vicomte, Sans Repos le salua avant de se tourner vers les rabatteurs et la meute qui se tenaient près des portes.

Bonjour Phelim.
L'orage de cette nuit aura, à défaut de nous procurer une nuit calme, permit d'effacer les vieilles traces et mes gens ont repéré les empreintes fraîches d'un jeune cerf. C'est lui que nous allons pister aujourd'hui.
Si vous le souhaitez, nous allons nous mettre en route avec la meute jusqu'à cette piste. Les chiens vont marcher jusque là, aussi cela laissera le temps aux autres de nous rejoindre dès qu'il seront prêts.

Sujet: Re: Chasse à courre Sam 25 Sep 2010 - 17:30

Première chasse, premier échec. Saint-Firmin rentrait bredouille à Meyrieux, mais heureusement, le Vicomte n'avait pas compté que sur les talents de chasseurs de la compagnie pour le repas du soir.

La table fut vivante. Chacun échangeant voir taquinant sur les performances de tel ou tel chasseur. Tenshi n'était pas très bavard ce soir mais s'efforçait de rester dans les convenances. Il s'était placé auprès de Soleil qui ne semblait pas tout à fait à son aise. Le contraire aurait été étonnant, mais Tenshi fit ce qu'il pu pour se montrer prévenant envers elle à grand renfort de sourires et de petites anecdotes.

L'heure fila, le jour avait disparu depuis un bon moment quand il décida finalement de quitter la table. Il se rendit dans sa chambre et n'eut aucun mal à s'endormir. Le fameux orage, dont il n'apprendra d'ailleurs l'existence qu'au petit matin au grès des discussions, ne l'aura pas dérangé le moins du monde. Le viennois est un vrai bébé quand il s'agit de dormir loin de toute obligation militaire.

Au matin, il se mit en route au lieu indiqué par Walan. Sur place, le vicomte devisait déjà avec Anne, Marie Alice et Phelim. La viennoise semblait encore plus pâle que la veille. Tenshi s'appliqua à ne pas montrer qu'il avait remarqué cela et s'approcha tranquillement. C'est au moment l'annonce de la découverte d'un jeune cerf était faite qu'il se joignit à la troupe.

Bonjour à tous ! Il salua respectueusement chaque personne présente. C'est bien d'un cerf dont j'entends parler ce matin ? En ce cas, espérons que nous soyons en veine aujourd'hui, la viande de cerf et un régal lorsqu'elle est bien préparée. Et je ne doute pas, au vue du repas d'hier, que se serait le cas.

Sujet: Re: Chasse à courre Dim 26 Sep 2010 - 23:42

Bonjour Anne, vous avez un tout petit peu d'avance mais je ne doute pas que les autres vont arriver d'un instant à l'autre.
Voyez, je vous le disais !

Tout en faisant signe à Bacchus de s'arrêter à quelques pas avec le bai brun, Anne se retourna pour voir arriver Dame Marie-Alice. Elle semblait à la fois fatiguée et heureuse. Peut-être l'orage l'avait-il empêchée de dormir... Elle était vêtue à la garçonne. Anne, tant que sa mère n'était pas à Vienne, avait adopté ce costume, qui laissait l'allure si libre. Puis, quand la vicomtesse Maryan s'était enfin décidée à rejoindre sa fille, qui approchait alors ses 10 ans, la petite avait dû passer à la robe. C'était probablement la seule concession d'importance qu'elle avait faite à sa mère. Par un accord tacite, la vicomtesse avait renoncé d'emblée à empêcher sa fille de mener sa vie comme elle l'entendait, et Anne avait accepté de se plier aux exigences vestimentaires. Elle n'en regarda pas moins Marie-Alice avec une pointe d'envie. Un éclair de colère plomba même un instant le bleu de ses yeux, quand elle se dit que ses jupes n'étaient pas la seule raison de sa mauvaise assiette.

Bonjour vous deux. Belle matinée n'est-ce pas?

Moui... La matinée était belle, en un sens. Mais très fraîche. L'orage avait considérablement fait baisser la température. Tant mieux. Quand on a froid, on se fatigue plus vite. Les yeux d'Anne s'étrécirent imperceptiblement, alors que son plan lui repassait dans la tête.

'Jour.

Elle s'empressa de tourner la tête vers l'Imprévisible, et de sourire. Il ne fallait pas penser. Plusieurs des personnes ici présentes la connaissaient bien, l'un ou l'autre finirait par comprendre. Ne pas penser, faire comme si elle était simplement là pour chasser, comme tout le monde.
L'hôte lui facilita la tâche, en donnant le signal du départ.
Anne avait de plus en plus hâte de partir. Elle fut à prendre une bride des mains d'un serviteur. Bacchus lui adressa bien un long regard implorant, mais elle refusa de le voir.

Bonjour à tous !

Messire Tenshi se joignait au petit groupe. Anne le salua d'une rapide révérence, avant de se mettre en selle, aidée de mauvaise grâce par un Bacchus aux sourcils plus en bataille que jamais, à la moustache en berne.
Un jeune cerf, avait dit Messire Walan. Voilà qui servait admirablement son dessein. Près des portes, la meute s'énervait. Anne leva la tête vers les étages où, dans les chambres, devaient encore dormir certains hôtes. Comme l'avait dit le maître des lieux, ils rejoindraient la chasse plus tard. Le bras encore endolori par le poids de l'autour, l'avant-veille, Anne bougea un peu les épaules, assura son assiette, et d'un léger claquement de langue mit son cheval au pas, en direction des chiens.

Sujet: Re: Chasse à courre Lun 27 Sep 2010 - 15:11

La journée s'était terminée sur un bon repas, Meyzieu fut heureux de pouvoir gouter à son lièvre levé plus tôt. Ne serait-ce que de savoir que c'était lui qui l'avait chassé rendant la chair plus tendre et bien plus bonne. À l'instar de la nourriture, l'ambiance etait aussi au rendez-vous, chacun commentant les performances et les proies ou pas des autres chasseurs renforçant leurs commentaires d'anecdotes toutes plus ou moins vraies et historiques.

La curiosité du Seigneur avait également pu être rassasié lorsqu'il demanda discrètement à ses voisins qui était la dame à la licorne d'azur.
Il fit un regard curieux et interéssé lorsqu'on lui apprit la réponse. Ainsi donc voilà à quoi ressemblait La Vicomtesse Marie-Alice il en avait beaucoup entendu parler, s'étant toujours naturellement intéressé à la vie publique et politique du Royaume. Jusqu'ici la Vicomtesse n'était qu'une signature, tantôt de Premier Secrétaire d'État tantôt de Primus inter Pares ... Il était donc heureux de pouvoir mettre un visage à cette signature et surtout cette personne.

Le repas se termina et après la satiété, ce fût le sommeil qui prit place, et il ne fallut guère longtemps pour que le conseiller militaire rejoigne Morphée. L'orage ne l'avait que peu dérangé mis à part qu'il s'était invité dans ses songes de la nuit sans causer trop de soucis néanmoins.
Le reveil du matin fût donc assez rapide, le sommeil de la nuit ayant été réparateur et de bonne qualité.

C'est donc sous des traits reposés et en forme quoiqu'encore un peu ralenti que DeDeLagratte se présenta à ses compagnons d'équipés de la veille. Ceux ci étaient sur le point de partir et il arrivait à temps pour les suivre, il crut entendre le mot "cerf" sortir de la bouche d'un des protagonistes. Il se rapprocha afin de saluer la troupe et de prendre le départ avec eux.

Bonjour à tous, je vois que j'arrive pile à l'heure du départ, voilà qui fait de moi un chanceux aujourd'hui, j'espère que nous le serons tous également pour la chasse, j'ai cru entendre le mot cerf ? Serait-ce ce que nous poursuivons ?

Sujet: Re: Chasse à courre Lun 27 Sep 2010 - 23:56

Se tournant vers Tenshikuroi et Dede, qui venaient de rejoindre la compagnie alors qu'il se mettait en selle, Walan salua ceux-ci avant de répondre.

Effectivement, ce jour nous chassons le cerf, les rabatteurs ont repéré la piste d'un jeune adulte qui devrait nous donner un certain défi.
Nous allions nous mettre en route, les chiens n'iront jusqu'à la piste qu'en laisse, cela laissera le temps aux suivants pour nous rejoindre, compléta-t-il en montrant la meute qui sortait déjà du castel, soigneusement menée par une paire de valets de chasse.

Joignant le geste à la parole, le vicomte talonna sa monture pour la faire suivre au pas les chiens surexcités et amorcé le début du cortège -et oui, car encore une fois les chasseurs n'étaient pas seul et bon nombre de domestiques, piqueurs, rabatteurs, veneurs et autres les accompagneraient-

Sujet: Re: Chasse à courre Mer 29 Sep 2010 - 22:19

Bonjour à tous, je vois que j'arrive pile à l'heure du départ, voilà qui fait de moi un chanceux aujourd'hui, j'espère que nous le serons tous également pour la chasse, j'ai cru entendre le mot cerf ? Serait-ce ce que nous poursuivons ?

Anne était déjà aux portes. Reconnaissant la voix de Messire Dedé, elle se retourna à demi sur sa selle pour le saluer. Son cheval broncha, et elle faillit se laisser désarçonner. Il est vrai qu'elle était bien piètre cavalière. Sa mère n'était jamais parvenue à lui faire partager son goût pour les longues chevauchées. Elle se retint tant bien que mal au pommeau de la selle, et le cheval eut la bonne grâce de se calmer tout seul. Anne n'avait pas envie de tomber. Pas tout de suite.

Effectivement, ce jour nous chassons le cerf, les rabatteurs ont repéré la piste d'un jeune adulte qui devrait nous donner un certain défi.
Nous allions nous mettre en route, les chiens n'iront jusqu'à la piste qu'en laisse, cela laissera le temps aux suivants pour nous rejoindre.

L'attention générale étant tournée vers l'hôte et ses explications, Anne pouvait espérer n'avoir pas été remarquée. Mais la leçon avait porté. Si elle ne voulait pas se retrouver trop tôt sur la terre ferme, il lui fallait amadouer ... Comment s'appelait-il, déjà, ce cheval ? Elle chercha Bacchus des yeux pour lui demander. Mais il était de l'autre côté de la cour, perdu au milieu des nombreux valets qui allaient ce jour encore suivre les chasseurs.

Tant pis. Je vous appellerai Socrate. Ce nom vous ira comme un gant.

Elle avait murmuré, penché sur l'encolure de l'animal. Elle se redressa avec un rire bref, sans joie, devant sa propre ironie. Socrate... Socrate et sa maïeutique. Il faudrait qu'elle conte cette farce au Père Comis, un jour.

Pendant ce temps, Messire Walan s'était avancé, à la suite des chiens. Anne se mêla au cortège.
A mesure que l'on approchait de l'endroit où la piste avait été repérée, la meute s'énervait. Les chiens, soumis à la voix du veneur, ne criaient pas encore. Mais ils tiraient sur les cordes auxquelles ils étaient attachés trois par trois, et la résistance des valets était soumise à rude épreuve. Ils devaient s'arcbouter en arrière pour résister à l'entraînement.

On parvint enfin à la piste. Anne se dressa sur les étriers pour regarder en arrière. Il fallait que les retardataires se dépêchent, s'ils voulaient suivre la chasse. On ne pourrait plus retenir les chiens bien longtemps.

Sujet: Re: Chasse à courre Dim 3 Oct 2010 - 22:38

Une fois la chasse au vol terminée, la Duchesse de Clérieux se rendit dans la chambre qui lui était destinée afin de se rendre présentable pour le dîner... Dîner qui fut animé par les chants paillards de son voisin de table qui la firent un peu rougir d'embarras, surtout lorsqu'il lui mit la main sur l'épaule pour l'enjoindre à l'accompagner ! Le Vicomte d'Oingt devait avoir perdu la raison ou abusé du vin... Arwel lui fit un petit sourire qui voulait dire "compte toujours là-dessus..." Dans l'ensemble, ce fut tout de même une soirée agréable et ce fut repue et fourbue qu'elle rejoignit son lit, où elle passa une nuit agréable même si le réveil à l'aube la trouva encore un peu fatiguée...

Le voyage pour joindre Charpey lui parut assez mélancolique, tout le monde paraissait perdu dans ses pensées et elle finit par faire de même.

Le repas du soir fut légèrement moins animé, le Vicomte d'Oingt ayant apparemment épuisé son répertoire de chansons paillardes... La Bienveillante alla ensuite dormir, enfin, elle essaya... A peine venait-elle de poser la tête sur l'oreiller qu'un orage impressionnant éclata... Il fallait dire que tout orage semblait à Arwel impressionnant... Si elle n'avait pas craint les ragots ou de le trouver alité avec une autre femme, Wel serait allée discrètement frapper à la porte du Vicomte d'Oingt pour chercher une présence rassurante... Elle se contenta donc de placer sa tête sous l'oreiller, tremblant de peur, attendant que l'orage veuille bien prendre fin... Finalement, le sommeil eut raison d'elle... Cependant, cette nuit agitée fit qu'elle se réveilla légèrement en retard et malgré sa célérité à se vêtir, elle arriva dans la cour seulement au moment où la compagnie se mit en branle... Cela n'arrangeait pas ses affaires, elle était bien décidée à garder un oeil sur Anne... Une conversation qu'elle avait eue avec elle à Dié l'avait un peu inquiétée concernant cette chasse à courre...

Elle lança donc son cheval au galop pour rattraper la tête du cortège mais surtout pour rejoindre Anne et pouvoir la surveiller du coin de l'oeil... Même si après la nuit qu'elle avait passée, son oeil paraissait fatigué... Arrivée à sa hauteur, elle lui fit un grand sourire et la salua :

Bonjour Dame Anne ! J'espère que vous avez passé une meilleure nuit que moi... L'orage... Je déteste cela...

La jeune duchesse eut un sourire gêné... Anne ne devait pas être de celles qui se laissaient impressionner par un petit orage...

Sujet: Re: Chasse à courre Lun 4 Oct 2010 - 23:46

Après la catastrophe de la chasse de la veille, et oui, voir les femmes rapporter les proies et les hommes rentrer bredouille... En dehors du maitre de maison bien entendu qui avait su préservé l'honneur des "mâles" au cours de cette soirée. Finalement ils avaient pu rentrer avec les quelques gibiers qu'ils avaient pu amasser, dans une ambiance plutôt bonne. Le repas qui avait suivi avait été d'ailleurs fort goûteux, c'est qu'il avait lui aussi de bons cuisiniers ce cher Walan. Peut être pas aussi atypique que la cuisinière de Phelim, mais probablement tout aussi talentueux. Bon festin, de quoi nourrir toute une famille au complet, le voilà qu'il s'était couché le ventre à la limite de faire craquer le bouton de ses braies. Et ça, c'était pas ce que préférait son épouse d'ailleurs...

Il haussa les épaules, puis alla trouver sa chambre partagée avec elle pour y passer une nuit plutôt longue, et apparemment pleine d'orage, mais bon lui il dormait de toute façon à poings fermés, comme toujours. D'ailleurs il en avait raté le réveil... et sa femme aussi vraisemblablement. Et là c'était parti pour des longues minutes de râleries et de préparation pour ne pas être en retard... Comment ça trop tard ! Ils se dépêchèrent tous deux de finir de se préparer puis se dirigèrent hors du domaine pour rejoindre les autres qui semblaient s'impatienter... Et que dire des chiens... Ah en voilà des animaux bien plus logiques que ces rapaces ! Quatre pattes, une bonne gueule, et des poils ! ça au moins il arrivait à le comprendre !

Bref, ils marchèrent jusqu'à eux. Geoffroy les salua d'un grand signe de la main, et esquissa un sourire de circonstance.

Et bien ! On attend qui encore ? C'est que les chiens ont l'air de s'impatienter !

Il se mit à siffloter légèrement et tenta de se fondre dans la masse des invités, ce qui n'était pas une mince affaire puisqu'ils n'étaient pas bien nombreux.

Oui bon, j'ai tendance à avoir du mal à émerger ! Pas la peine de me regarder comme ça !

Il marmonna pour la forme, et croisa les bras sur son torse en attendant le mouvement.

Sujet: Re: Chasse à courre Mer 6 Oct 2010 - 14:40

Les invités rejoignaient petit à petit la troupe tandis que les chiens se faisaient de plus en plus excités au bout de leurs laisses. Walan saluait chacune des personnes qui arrivait d'un signe de tête poli ainsi qu'il en avait l'habitude, suivant néanmoins du regard la meute. Ce fut lorsqu'ils arrivèrent près d'un petit bosquet au milieu des pâtures que le vicomte fini par mettre pied à terre pour aller s'entretenir avec les rabatteurs, penchés sur ce qui avait tout l'air d'être les empreintes du cerf qu'ils avaient repéré.
Se redressant, Sans Repos eut un fin sourire à l'intention de ses hôtes, leur annonçant sobrement.

Nous y voici. La piste commence ici et elle date d'il y a relativement peu de temps, les chiens vont pouvoir la flairer et la chasse peut commencer.

Remontant en selle tandis qu'il parlait, Walan fit signe aux valets de libérer les chiens. Il ne leur fallut que peu de temps pour repérer les traces et l'odeur de leur proie, et la meute se mit bientôt en route à vive allure à grand renforts d'aboiements, longeant l'orée du bosquet.

Talonnant sa monture, Sans Repos la lança au petit galop non sans avoir juste avant jeté un : "En route !" d'un air enjoué -enfin, cela reste Walan et son air enjoué aurait pu ressembler à l'air endeuillé de personnes plus extraverties-.

Sujet: Re: Chasse à courre Jeu 7 Oct 2010 - 3:12

Petit à petit le groupe grossissait mais il manquait du monde. Marie saluait chacun à son tour, sachant enfin qui était qui l'aidant grandement. Il lui semblait à la fois étrange et naturel de se trouver là, que ce soit parmi ces gens ou à cet endroit précis. Comme souvent elle observait les visages, les attitudes mais aussi le lieu et les allers et venues. Vieille habitude assez reposante quand elle n'avait pas à se mettre en avant pour répondre à ceci ou cela.

Mais le temps passait, les chiens s'énervaient et il était l'heure de lancer la chasse. La jument de la brune lui fut amenée par un valet qu'elle remercia avant de monter en selle. Walan avait dit que les retardataires les rejoindraient s'ils le souhaitaient. Soit. Il était vrai qu'ils ne pouvaient rester à attendre ainsi.

La petite troupe s'avança jusqu'à rejoindre les chiens et patienta le temps que le maitre des lieux se concerte avec les rabatteurs puis revint vers eux pour leur signaler que la proie du jour serait un cerf. Fier et bel animal qu'ils allaient poursuivre jusqu'à ce qu'il s'échappe ou finisse par se rendre à force d'épuisement. La chasse à cours n'était pas ce que la vicomtesse préférait, trouvant dans cette course à mort cruelle. La fin l'était encore plus, lorsque la meute atteignait enfin sa proie et qu'il fallait la retenir pour ne pas qu'elle la dévore vivante. C'était alors la loi de la nature certes mais les forces lui paraissaient bien inégales dans cette lutte.

La chasse commença lorsque les chiens eurent reniflé la trace et se lancèrent à la poursuite du cerf. Marie tourna la tête vers Anne qui semblait mal à l'aise, essayant de lui donner confiance en souriant mais il lui fallut rapidement regarder devant elle pour ne pas se faire distancer ni prendre une branche basse.

Si la meute s'était vivement élancée au première abord, elle se mit à ralentir et à tourner. La piste était-elle déjà perdue? Le cerf aurait-il cette chance incroyable? La brune chercha des yeux Walan, attendant de savoir ce qu'il pouvait bien se passer d'un coup.

Sujet: Re: Chasse à courre Jeu 7 Oct 2010 - 16:21

Anne était à peine arrêtée qu'elle fut rejointe par la duchesse de Clérieux.

Bonjour Dame Anne ! J'espère que vous avez passé une meilleure nuit que moi... L'orage... Je déteste cela...

Dame Arwel souriait, d'un sourire penaud qu'Anne ne s'expliquait pas. Pas facile, la révérence, quand on est debout sur des étriers. Pas plus facile quand on se rassoit, d'ailleurs. Puisque la révérence était impossible, Anne se contenta d'une inclinaison de tête.

Votre Grasce, le bonjour. La nuit fut brève, en effet.

Inutile de faire état de ses cauchemars, encore moins de ces douleurs d'entrailles qui la reprenaient, assorties d'étranges sensations. Imitant en cela, sans le savoir, toutes les femmes depuis la nuit des temps, Anne était toute entière tournée vers l'intérieur d'elle-même, à l'écoute du grand remue-ménage dont elle percevait confusément qu'il était en train de se préparer. Son regard se faisait vide, son oreille se fermait au monde, son sourire prenait l'aspect figé d'une mécanique.
Elle calculait. Trois quarts du temps requis, environ. Elle s'était leurrée, en refusant de voir passer le temps. Mais rien n'était perdu encore. Il suffisait de s'éloigner, de se trouver seule, suffisamment longtemps, pour que les secours arrivent trop tard.

Elle fixait sans le voir Messire Geoffroy, qui bougonnait on ne savait quoi. Où donc était passée son épouse ? Disparue. Tant mieux, ça faisait une femme de moins à portée. Et Dame Soleil ? Disparue, elle aussi. Restaient Dame Arwel, et Dame Marie-Alice.

Messire Walan, qui s'en était allé conférer avec ses valets, revint vers le groupe des chasseurs. Il semblait bien plus joyeux qu'à l'habitude.

Nous y voici. La piste commence ici et elle date d'il y a relativement peu de temps, les chiens vont pouvoir la flairer et la chasse peut commencer.

Les chiens furent lâchés. L'orage avait lavé toutes les vieilles odeurs. La piste du cerf, toute fraîche, fut perçue aussitôt, et la meute se mit en route. Les chiens se mirent à crier, annonçant par là qu'ils tenaient la piste.
Anne se sentit prise d'une sorte de fièvre. Il fallait bien calculer. S'éloigner des chasseurs, mais pas trop tôt. Son cheval, énervé par les cris et la proximité de ses congénères, broncha à plusieurs reprises, voulut se cabrer. La cavalière novice ne sut jamais où elle avait trouvé le geste adéquat. L'atavisme, sans doute. Toujours est-il que Socrate, momentanément maté, accepta le petit galop. Il voulut cependant prendre la tête, distança un peu le cheval de Dame Arwel, vint bousculer de l'épaule celui de Dame Marie-Alice, qui sourit à Anne au passage. Elle dut se gendarmer pour l'obliger à rester en queue de peloton.

Très vite, la jeune femme s'aperçut que ça allait être relativement simple. Chacun était concentré sur sa monture, chacun s'efforçait de suivre la meute, sans se préoccuper des autres chasseurs. On longeait de près la lisière d'un bosquet, il était plutôt malaisé d'éviter racines et branches basses. Anne guettait l'occasion. A un moment où un autre, la piste s'enfoncerait dans le bois, elle en était certaine. Il ne pouvait en être autrement : les cerfs n'aiment pas les terrains découverts. Elle pourrait alors bifurquer, et perdre la chasse.
L'on ralentit. Anne ne put faire autrement que de rattraper ceux qui la précédaient. Les chiens tournaient en rond, jetant des jappements surpris. Il ne fallait pas que ça s'arrête déjà. Elle approcha, se mit à scruter le sol meuble. des traces qui s'y étaient nettement imprimées, mais que déjà les chiens martelaient. Les valets de meute, conscients qu'ils risquaient de tout effacer, s'efforçaient déjà de regrouper les bêtes, à l'écart des empreintes.

C'est-y point un nourrain (1) qui nous les alote (2), Dame Anne ?

Brave Bacchus ! Jusqu'au bout, il essaierait d'intéresser Anne à la chasse. Il désignait, parmi les empreintes, des traces un peu dissemblables, où l'on voyait nettement, de part et d'autre des pinces, des gardes plus marquées, et plus écartées. Sans son cocher, Anne aurait été incapable de faire la différence. Incapable aussi de reconnaître l'animal qui avait suivi, un temps, la piste du jeune cerf.

Oui, Bacchus. Mais les chiens vont retrouver la piste.

L'assertion contenait plus d'espoir que de certitude. Maudit sanglier ! Pourvu que sa piste se dissocie vite de celle du cerf !
Anne allait commenter avec ses plus proches voisins l'observation de Bacchus quand une sensation inconnue la suffoqua. Un étau se referma sur ses hanches, les broya quelques longues secondes, relâcha son emprise. L'étonnement se peignit sur ses traits, puis la gratitude. Le Très-haut accédait à ses ferventes prières ! Elle n'aurait même pas besoin de provoquer une chute. Il suffisait qu'elle puisse s'éloigner. Et pour cela, il fallait que les chiens retrouvent la piste.

(1)cochon, sanglier
(2)induit en erreur

Sujet: Re: Chasse à courre Lun 11 Oct 2010 - 17:41

A peine entamée ou presque, la poursuite fut ralentie par la trace d'un sanglier croisant la piste du cerf et perturbant les chiens. Une fois la meute tenue à l'écart par les valets, le vicomte laissa les pisteurs examiner le sol à la recherche des traces de leur proie et adressa un regard circulaire à la compagnie avec un léger sourire.

A moins que vous ne souhaitiez manger du sanglier ce soir, il semblerait que nous devions attendre un instant pour retrouver les traces de notre cerf et reprendre.

Un petit regard vers Anne, dont la mine était étrange -maintenant encore plus que juste avant qu'ils ne commencent-, et le vicomte se retrouvait à discuter à nouveau avec les rabatteurs qui indiquaient avec assurance la direction du bois. Les chiens furent remis sur la piste et s'élancèrent à nouveau, vers la forêt.

Bien, dames et sieurs, la course reprend !

Lançant sa monture, Sans Repos lui fit adopter un petit galop de manière à ne pas distancer la compagnie par son départ rapide s'engouffrant sur une sente étroite et attendant que l'ensemble des convives ait pris de l'allure pour accélérer doucement de manière à suivre la cadence imposée par les chiens excités. Après quelque minute de course, la sente disparu au profit d'un bois aux arbres écartés et au sol propre, visiblement entretenu par les forestiers de Charpey, permettant de prendre un peu plus de vitesse et, surprise ! de distinguer au loin la tache fauve d'un cerf fuyant et bondissant à toute vitesse.

Sujet: Re: Chasse à courre Mar 12 Oct 2010 - 2:23

La vague monta, redescendit, mourut. Anne s'avisa alors que Messire Walan la regardait, l'air perplexe, et elle s'empressa d'afficher un vague sourire. Cela suffit, apparemment, à lui donner le change, puisqu'il se tourna de nouveau vers ses hommes. Ceux-ci, bonnet en main pour parler au maître, désignaient tous le bois que l'on avait jusque là longé. Impatiente, Anne attendait le verdict. Le couvert du sous-bois, voilà qui servait parfaitement son dessein.

Bien, dames et sieurs, la course reprend !

Les chiens, en accord avec les rabatteurs, avaient franchi la lisière. Sur la piste du cerf, ils suivaient une sente trop étroite pour que la meute puisse donner sa pleine mesure. Le maître des lieux en tête, les chasseurs suivirent.
Socrate ressentait la nervosité d'Anne, qui augmentait à mesure que l'on s'enfonçait dans le bois ... et que les vagues qui lui broyaient les reins se faisaient plus fréquentes. Elle avait du mal à se garder en selle, et le cheval, agacé par une si piètre cavalière, cherchait à s'en débarrasser. Elle avait entendu parler, depuis toujours, des "douleurs de l'enfantement". Mais ce n'étaient pas des douleurs, ce qu'elle ressentait. C'était juste une sorte de force, qui venait de l'intérieur, et contre laquelle il était impossible de lutter. Elle devait s'arrêter. Elle devait mettre pied à terre, à l'écart, se débarrasser au plus vite de ce fardeau qu'elle portait depuis seulement les trois quarts du temps requis, puis feindre la plus extrême affliction, et tout irait bien.

A son corps défendant, elle chevauchait au milieu du peloton. Elle n'avait plus assez d'énergie pour freiner Socrate. L'inquiétude monta. C'était presque une angoisse quand, enfin, le bois s'éclaircit, la sente déboucha sur une futaie parfaitement entretenue. La meute accéléra, les chiens crièrent de plus belle, les chevaux adoptèrent un galop plus soutenu.

Là !

Qui avait crié ? Un des rabatteurs, sans doute. Essoufflé, il pointait du doigt le bout d'une sorte d'allée que dessinait l'alignement des fûts. C'était le cerf !
Et pour Anne, c'était le moment. Les chasseurs allaient se focaliser sur la proie, plus personne ne ferait attention à elle.
Une pression du genou, un mouvement du poignet : Anne jeta Socrate dans un hallier. D'abord surpris de n'être plus parmi ses congénères, le cheval ne tarda pas à prouver la mesure de son énervement. Anne n'était plus en état de le mener. La bride sur le cou, il fila à travers les buissons, faillit vingt fois jeter à terre sa cavalière.
Celle-ci n'était plus, après cinq minutes à peine de course effrénée, qu'une poupée de chiffons retenue à la crinière par le hasard ou la volonté divine.

On entendait encore les chiens, quelque part sur la gauche. L'on franchit une rivière, à gué. Les gerbes d'eau calmèrent un peu Socrate. Il reprit sur l'autre rive un galop plus régulier, moins rapide.
Une vague plus violente que les précédentes désarçonna soudain Anne. Elle vit arriver le sol, leva les bras pour se protéger, roula sur elle-même ... puis plus rien. Sa tête avait heurté, sous la mousse, une racine affleurante.

Son inconscience ne dura que quelques minutes.
Quand elle revint à elle, Socrate hennissait, à quelques toises, écumant. Ses jupes étaient trempées. Elle parvint à s'asseoir, à découvrir un petit corps, d'un pied de long tout au plus. C'était un enfant mâle, le fils de HdB. Surprise, Anne le regardait sans pouvoir détacher les yeux du petit visage à la vilaine teinte bleutée, de la poitrine qui se soulevait à une cadence régulière.
Socrate poussa un hennissement plus fort, et se mit à frapper le sol du sabot. Anne releva la tête, effrayée. L'enfant vivait. Il respirait. Il était né trop tard. Non ! Trop tôt ! L'enfant de HdB, son fils. Il lui fallait de l'aide. Sinon, le petit allait mourir. Elle n'avait pas encore conscience de l'horreur de ce qu'elle avait voulu faire. Son fils était là, entre ses jambes, il vivait, minuscule. Elle le prit dans ses bras, voulut se lever. Impossible. Quelque chose l'en empêchait. Une vague monta, semblable à celles qui lui avaient paralysé le corps toute la matinée. La secondine était là, pourtant. Qu'est-ce que ...?

Ô Aristote, non ! Je vous en supplie, non !

Un autre enfant. Un besson était en train de se frayer un chemin vers la vie.

Sujet: Re: Chasse à courre Mar 12 Oct 2010 - 22:25

Cela durait depuis des jours, encore que cette notion de temps ne représente pas grand chose dans un esprit aussi simple que celui d'un futur nouveau né... Des secousses, des cahots, tout s'enchainait sans repos. La souffrance grandissait mais la vie luttait dans ce petit corps. Il était soutenu, non par des caresses maternelles dont il ignorait encore jusqu'à l'existence, mais par la présence à ses cotés d'un autre petit être dont le cœur battait au même rythme, à la même seconde.

Soudain tout s'accéléra, les secousses d'abord, toujours plus nombreuses et rapprochées, puis cette pression, d'abord furtive, devenant ensuite de plus en plus forte et qui le poussait vers un nouveau monde, hors de ce cocon.

Enfin, le grand choc, violent, brutal, inattendu brusqua les évènements. Une force inconnu le poussa vers la vie, sa vie qui commençait si durement.

La douleur le saisit. Ces sons, si doux d'ordinaire, devenaient assourdissants. Le froid l'assaillit de toutes parts, l'air pénétra ses poumons avec une violence insoutenable... Et plus personne près de lui, il ne ressentait plus ce battement de cœur familier.

Quand on n'a que quelques instants de vie, cette situation est effroyable. Et s'il avait été conscient de tout, le jeune Sylvain aurait sans doute trouvé cela pire encore...

Sujet: Re: Chasse à courre Mar 12 Oct 2010 - 22:50

Sur sa selle, sans bouger, Marie tentait de calmer sa jument qui commençait à être gagnée par la nervosité de la meute, caressant l'encolure tout en lui murmurant à l'oreille. Elle finit par se calmer et la brune releva la tête vers Walan qui était en train de discuter avec ses gens. Les chiens n'avaient pas perdu la trace du cerf mais en avaient croisé une autre, celle d'un sanglier. Si elle préférait manger l'un ou l'autre? Pas vraiment d'idée sur le coup et froncement de nez perplexe.

Le temps que la piste de la plus grande proie soit retrouvée, la brune se prit à observer Anne. Elle commençait à l'inquiéter quelque peu et ne lui paraissait pas dans son assiette. Et à première vue, Sans Repos devait penser la même chose puisqu'il lui lançait de temps à autre des coups d'oeil. Que pouvait-elle avoir? Passé une mauvaise nuit? Mal digéré quelque chose? Mal quelque part? Quelque langueur remontant à la surface en repensant à son époux?

Au moment où la vicomtesse allait se rapprocher de la jeune femme pour entamer la conversation, la chasse reprit, Walan talonna sa monture et Noisette, toujours un peu nerveuse, n'attendit pas que sa cavalière fasse de même pour s'élancer, la surprenant. Marie faillit glisser de sa selle, se rattrapa à celle-ci, finit tout de même par reprendre son assise et tira un coup sec sur les rênes pour faire ralentir la jument. Elle n'aimait pas devoir faire montre de force quand elle montait mais il était hors de question qu'elle puisse s'affoler et les blesser toutes les deux. Si Noisette ne pouvait être calme lors d'une chasse, qu'est-ce que cela serait si elle était sur un champ de bataille.

En attendant, Anne et son état lui était sortie de la tête et elle se retrouvait à galoper à la suite, se maudissant de s'être laissée surprendre ainsi. D'ici peu, elle finirait par se demander où la dauphinoise avait disparu mais pour l'heure, elle ne s'en était même pas rendue compte.

Sujet: Re: Chasse à courre Sam 16 Oct 2010 - 16:06

Votre Grasce, le bonjour. La nuit fut brève, en effet.

Arwel fit un léger sourire. Etait-ce la manière d'Anne de lui faire comprendre que l'orage l'avait également indisposée, cette réponse lapidaire ? Elle n'en savait rien... La jeune femme était toujours un peu embarrassée lorsqu'il lui fallait lire entre les lignes... Anne ne lui semblait pas être particulièrement en forme... Elle s'était promis de veiller sur elle, malgré elle... Cependant, lorsque messire Walan annonça que la chasse pouvait commencer, le cheval qu'Arwel avait choisi dans les écuries de Clérieux pour son calme, se laissa un peu emporter par l'excitation ambiante et la jeune femme dut se concentrer sa conduite... Elle ne désirait pas qu'il la mette bas... A un moment, elle aperçut tout de même la monture d'Anne et sa cavalière devant elle, cela la rassura un peu... Puis l'attention d'Arwel fut à nouveau détournée d'Anne par le ralentissement de la course... Son cheval se montrait particulièrement nerveux, alors que ça n'était pas dans ses habitudes... Elle lui flattait l'encolure afin de l'apaiser, mais il ne semblait pas vouloir se montrer d'humeur docile, ce jour, si bien que la duchesse concentra toute son attention sur lui... Le Vicomte annonça qu'il fallait attendre afin de pouvoir retrouver la piste du cerf... Sa monture ne semblait guère être d'humeur à cela... Pfff, il allait se calmer ou pas ?

Arwel commençait à s'impatienter contre l'animal récalcitrant, lorsque Walan annonça la reprise de la course... C'était tout ce que demandait sa monture, apparemment, puisqu'elle ne se fit pas prier pour reprendre la chasse... La jeune femme avait fini par en oublier ses bonnes résolutions de garder un oeil attentif sur Anne pendant cette chasse à courre... Elle semblait se prendre au jeu... Son regard scrutait les environs pour apercevoir au moins une ombre de cerf... Son coeur battait la chamade... Elle n'aurait jamais cru pouvoir se laisser ainsi emporter par l'émotion de la traque... Un court instant, elle se dit qu'en fait, elle devait cacher au fond d'elle un côté sanguinaire, qui lui déplaisait toutefois un peu...

Soudain, Arwel fut sortie de ses pensées, leur progression semblait s'intensifier, alors qu'ils atteignaient une parcelle de bois qui semblait plus claire et mieux entretenue... Puis un cri :

Là !

Alors que la meute semblait déchaînée, les poursuivants accéléraient encore... Accrochée à sa monture, Arwel cherchait du regard ce que le rabatteur avait désigné en lançant son cri... Enfin, elle l'aperçut, détalant noblement, alors qu'il se sentait suivi par une meute prête à le déchiqueter... Le coeur de la jeune femme se serra alors, déchiré entre l'excitation de la traque et l'espoir que la magnifique bête pourrait triompher de la meute par sa rapidité... Toujours est-il qu'à cet instant, la jeune femme ne se préoccupait plus du tout du sort de la pauvre Anne... Certainement qu'elle s'en voudrait jusqu'à la fin de sa vie lorsqu'elle se rendrait compte qu'elle ne se trouvait plus en leur compagnie...

Sujet: Re: Chasse à courre Sam 16 Oct 2010 - 18:35

Emporté par l'enthousiasme provoqué par la vue du cerf, Walan avait fixé celui-ci de ses yeux tout le temps qu'il l'avait eu en vue, se concentrant sur son assiette tandis que sa monture s'était lancée dans un galop rapide à la suite de la meute. La chevauchée dura de longues minutes, durant lesquelles Sans Repos ne jeta que de très brefs et rapides regards par dessus son épaule pour vérifier que la compagnie suivait.
Ce ne fut qu'après un bon moment que, profitant d'une zone aux buissons plus touffus, le cerf ne fut plus visible et qu'en outre les chiens furent à nouveau perturbés par une autre piste. Réprimant une légère moue face à ce malheureux contre-temps, le vicomte se tourna vers les chasseurs tandis que les pisteurs reprenait leur travail pour démêler les deux pistes enchevêtrées.

Et bien, nous étions proches et nous voilà revenu au départ. Ce sont là les aléa de la ... où est Anne ?

Tandis qu'il parlait et regardait chacun de ses hôtes, Walan venait de découvrir avec stupeur qu'il manquait parmi eux le visage de la jeune baronne d'Aupic. Se dressant un peu sur ses étriers pour vérifier qu'elle n'était ni cachée par les domestiques, ni en vue plus loin sur la piste qu'il venait de parcourir.

Quelqu'un a-t-il vu ou entendu quoique ce soit de sa part ? Son cheval s'est blessé ?

Attendant une réponse, Sans Repos se mit à chercher une personne précise des yeux dans la foule de cavalier. Il ne lui fut pas dur de trouver Bacchus, avec sa forte carrure, et c'est avec un haussement de sourcil mêlant interrogation et une pointe d'inquiétude qu'il observa le serviteur de la jeune femme.

Sujet: Re: Chasse à courre Dim 17 Oct 2010 - 12:35

Nouvelle ratée et nouvel arrêt pour les chasseurs humains et canins. Décidément la piste ne semblait pas si simple à suivre. Le cerf se montrerait-il plus malin? Un sourire étira ses lèvres à cette pensée.

Elle regarda les autres, histoire de voir leurs réactions, passant en revue les visages et, au moment où Walan l'exprimait à haute voix, se rendit compte qu'il manquait Anne. Froncements de sourcils tandis qu'elle se hissait sur ses étriers et cherchait à voir derrière elle mais nulle trace de la jeune fille. Où diable était-elle passée? Et depuis quand n'était-elle plus avec eux?

Non rien vu pour ma part. Et j'ignore depuis quand elle ne nous suit plus. Je l'ai trouvé pâlichonne ce matin mais je ne sais rien....

Une inquiétude sourde commençait à poindre en elle alors qu'elle aussi observait le serviteur.

Sujet: Re: Chasse à courre Lun 18 Oct 2010 - 16:14

C'est-y point un nourrain qui nous les alote, Dame Anne ?

Pour sûr que si, que c'en est un, et un beau : un nourrain de première classe, bien plus gros que ceux des forêts berrichonnes. Des traces comme ça, Bacchus n'en a vu qu'une fois, dans sa chienne de vie, et c'était il y a bien longtemps, dans un pays de sauvages de l'autre côté de la Manche, à l'époque où il faisait le matelot pour échapper à la faim. Ça remonte à vieux, bien vingt ans. Mais Bacchus est un bon serviteur : il laisse à sa maîtresse le haut du pavé, comme qui dirait. Il se sentirait mortifié d'avoir l'air de savoir les choses mieux qu'elle, en face du monde.
Sauf que Dame Anne, on a vraiment l'impression qu'elle s'en fiche comme de ses premiers langes. Ils étaient jolis, pourtant, ses premiers langes. Bacchus le sait bien, vu que c'est lui qui les a tendus à la Matheline, quand les petites sont nées. Mais bon : Dame Anne s'en moque bien, de ce nourrain, puis du cerf aussi, puis la forêt pantoute.

Oui, Bacchus. Mais les chiens vont retrouver la piste.

Elle a dit "oui" comme elle aurait dit "non" ou "vertudieu" ou "barbachou". Le vicomte de Meyrieu s'approche avec ses pisteurs. Bacchus, à regret, cède la place, et retourne se fondre dans la masse des valets qui suivent la chasse. La plupart vont à pied, quelques-uns, comme lui, ont une monture. Mais ils restent en arrière, c'est comme ça.
Les maîtres repartent, à la suite des chiens. Bacchus suit des yeux sa jeune maîtresse. Dame Marie-Alice, que Bacchus vénère en secret, depuis la lointaine époque où Dame Mentaïg travaillait à ses côtés à Paris, semble vouloir s'approcher d'Anne, mais démarre soudain comme une flèche. Dommage. Bacchus se serait senti plus rassuré de la voir chevaucher près de la petite. Dame Arwel n'est pas loin non plus, mais elle a l'air trop occupée à mener son cheval pour faire autre chose.

Bacchus, noyé dans le groupe des serviteurs, finit par perdre de vue les chasseurs, alors que l'on entre dans une partie plus claire du bois. Il peste contre les usages, qui le veulent bien loin en arrière. Norf de norf ! Il sait bien ce que veut Dame Anne, lui ! Il sait bien qu'elle veut se débarrasser de son fruit, voilà, c'est dit. Ou plutôt, c'est pensé, parce que jamais Bacchus n'exprimera à haute voix pareille horreur.

L'angoisse n'a pas fini de lui nouer les tripes. De nouveau, il est en vue des maîtres, qui se sont arrêtés un peu plus loin. Les chiens jappent lamentablement, les pisteurs sont courbés vers le sol. Sans doute une autre bête a-t-elle croisé la piste du cerf. Bacchus pousse son cheval. Il cherche des yeux la silhouette d'Anne. Peine perdue. Alors qu'il parcourt les dernière toises, il voit le vicomte qui le regarde venir. Vite, il met pied à terre, ôte son bonnet, murmure un semblant de salut qui sonne comme une excuse. Dame Marie-Alice le regarde, elle aussi. Et voilà Bacchus qui se bat les flancs comme on bat des ailes, à trois reprises. Le geste parle mieux que les mots. Il ne sait pas.

Les grosses lèvres de Bacchus s'agitent sous sa moustache en berne. Il cherche quoi dire, mais la culpabilité l'étouffe. Il aurait dû bousculer ces bâsins de valets qui se sont mis entre lui et Dame Anne, fouler aux pieds ces sottes convenances qui l'ont empêché de chevaucher à ses côtés. Et maintenant, Dame Anne a disparu. Le teint de Bacchus, d'ordinaire si fleuri, vire au gris sale. A tous les coups, Dame Anne est en train de mettre à exécution son idée. L'urgence est grande. S'il ne fait rien, une petite âme innocente va rejoindre au paradis solaire celle de son père, avant même d'avoir vécu pour de vrai. De là-haut, Dame Mentaïg va le foudroyer, pour sûr.
Le front de Bacchus se met à ruisseler comme seille qui remonte du puits. Ça lui coule dans les yeux, ça lui noie sa moustache. Il n'ose plus soutenir le regard de Messire Walan.

Les chiens...

Il veut dire que les chiens vont pouvoir retrouver Dame Anne. Non ! S'ils la retrouvent et qu'elle a déjà ... que le petit est déjà ... Houlà ! C'est pas possible, ça ! Non non non non non ! Il se passe le bonnet sur le front, c'est tout ce qu'il a sous la main pour s'essuyer.

Faut que les chiens i' courent le cerf, sauf vot' respect, Messire Vicomte. On détence (1)...

Pourvu que le vicomte y croie, à son histoire. Faut qu'il retourne chasser, pour que Bacchus puisse partir à la recherche d'Anne. Bacchus fixe le bout de ses bottes, soudain changé en statue de sel, à l'idée que Walan puisse lire ses pensées. L'est finaud, le vicomte ! Pour sûr qu'il va percer Bacchus à jour. Le cocher n'ose plus bouger.

(1)détencer = perdre du temps

Sujet: Re: Chasse à courre Mer 20 Oct 2010 - 18:06

Observant la réaction du serviteur, Walan ne pu empêcher un haussement de sourcils quelque peu surpris d'apparaître sur son visage. D'abord en voyant l'attitude de Bacchus avouant son ignorance sur l'endroit où pouvait être la jeune femme, puis en l'entendant parler de la chasse. Laissant encore un moment son regard posé sur le cocher, Sans Repos fini néanmoins par reprendre la parole.

Le cerf attendra, pour l'instant les chiens vont devoir suivre une autre piste, et nous remonter la nôtre. Bacchus, vous devez bien avoir un effet portant l'odeur d'Anne quelque part, faites le sentir à la meute et ne tardons pas.

Laissant le brave homme sans visiblement envisager une seule seconde qu'il puisse ne pas s'exécuter, le vicomte chercha Marie Alice des yeux, tâchant de croiser brièvement son regard. Ce ne fut qu'après que le gris et le noisette se furent rencontrés furtivement que l'hôte de la chasse fit signe aux pisteurs de se remettre en route, cette fois à la poursuite d'un tout autre gibier. Car quoique aucun lien de sang ne les ai jamais unis, Walan connaissait Anne quasiment depuis sa naissance et avait sans même s'en rendre vraiment compte contribué pour beaucoup à son éducation, au point que s'il n'en avait guère lui-même conscience, il agissait à son intention comme il aurait pu le faire envers sa propre fille.

Et bien, nous passons de la chasse à courre à la battue. Nous allons retourner sur nos pas en prenant quelques distances entre nous, de manière à voir si Anne n'a pas chuté ou ne s'est pas perdue.

Talonnant sa monture, le vicomte reprit la tête au petit trot, observant attentivement les alentours et en lançant de temps à autre des "Anne ?" d'une voix forte. Bien que son visage demeure impassible, il ne faisait guère de doute que le vicomte s'interrogeait, voire s'inquiétait, de cette brutale disparition de la jeune femme.

Sujet: Re: Chasse à courre Mer 20 Oct 2010 - 22:30

Quelque chose n'allait pas, c'était de plus en plus évident. Walan semblait de cet avis et Bacchus n'était pas des plus à l'aise. D'une part il ne savait pas où était Anne et d'autre part il voulait quand même relancer la chasse. Marie l'avait peu rencontré mais, à chaque fois, elle avait remarqué la dévotion qu'il avait pour la jeune fille. Dès lors, pourquoi ne pas demander voire exiger qu'on la cherche? Que se passait-il vraiment et que cachait-il?

Sans Repos croisa son regard et, très légèrement mais assez pour qu'il le voit, elle hocha la tête. Elle la hocha un peu plus lorsqu'il déclara que la meute allait désormais chercher une autre piste. Et s'élança à son tour, fouillant du regard les fourrés et alentours, espérant l'apercevoir revenir vers eux. L'inquiétude grandissait et sa voix se mit à faire contre point à celle du maitre des lieux alors qu'elle appelait également.

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